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HASKELL FRANCIS (1928-2000)

L'historien de l'art Francis Haskell est né à Londres en 1928. Sa vocation s'éveille juste après la Seconde Guerre mondiale, alors qu'il étudie l'histoire et l'histoire de l'art dans ce King's College de Cambridge auquel il restera attaché toute sa vie, même si c'est à l'université d'Oxford, où il est nommé professeur en 1967, qu'il fera l'essentiel de sa carrière. Un sujet de thèse que lui a proposé Nikolaus Pevsner le conduit à Rome : il s'agit d'étudier le Jesuitenstil auquel l'historiographie allemande attachait tant d'importance. Haskell visite les églises et se plonge dans les archives, étudiant en pionnier le mécanisme des commandes et du « patronage » artistique. Il se rend compte que le « style jésuite » n'a en fait guère de fondement. La thèse qu'il soutient en 1955 va déboucher en 1963 sur Patrons and Painters, vaste synthèse sur l'Italie des xviie et xviiie siècles – principalement Rome et Venise. Cet ouvrage d'histoire « sociale » de l'art rompt avec les généralisations hâtives, l'explication par l'infrastructure économique et la lutte des classes des historiens marxistes. Mettant l'accent sur les acteurs du mécénat et la multiplicité des circuits et des motivations, Haskell fait revivre l'époque dans sa diversité et ses contradictions, bousculant nombre d'idées reçues.

Dans ce premier livre, une idée se faisait jour qui ne cessera par la suite de revenir et de se développer : la liberté de l'artiste comme celle du spectateur ou du « consommateur » de l'œuvre est toujours limitée. Si l'artiste d'autrefois était tributaire de la commande, le spectateur est influencé dans ses goûts par des conventions dont il n'a pas toujours lui-même conscience. Se tournant progressivement vers le xixe siècle, surtout en Grande-Bretagne et en France, Haskell s'intéressera ainsi à des sujets en apparence fort divers, mais qui se rattachent tous à cette interrogation fondamentale : la redécouverte des Primitifs, le langage politique de la critique d'art, le rôle joué par les musées, les collections et le marché de l'art. Plusieurs de ces articles ont été regroupés en 1987 dans Past and Present in Art and Taste. Une série de conférences déboucha en 1975 sur Rediscoveries in Art où il étudie les retournements de l'histoire du goût au xixe siècle. Haskell s'est défendu toutefois d'un relativisme absolu qui mettrait tout sur le même plan, le « bon » comme le « mauvais », les impressionnistes comme les pompiers, et récuserait tout jugement de valeur. « J'ai peut-être été simplificateur et provocant, disait-il en 1986, mais j'ai voulu suggérer que l'esprit humain ne peut réagir automatiquement à une „beauté éternelle“ de la façon dont nous allumons l'électricité – si les fils ont été bien posés. »

Face à la beauté que l'on croyait éternelle des statues un peu négligées de la galerie des Offices, devant lesquelles passent avec indifférence les touristes venus du monde entier pour admirer Botticelli, le Haskell des années 1970-1980 continuait de se poser les mêmes questions : pourquoi telle œuvre m'apparaît-elle ainsi ? pourquoi est-ce que je l'aime ? Avec Nicholas Penny, il montra précisément dans Taste and the Antique (1981) comment ces prestigieuses statues antiques, jadis le joyau de toute grande collection, sont devenues, à la lettre, invisibles.

Les dernières années de cette vie bien remplie ont été surtout occupées par la gestation d'un projet encore plus ambitieux que les précédents. Dans History and its Images, paru en 1993, Francis Haskell ne se propose rien moins que d'étudier la façon dont les historiens ont utilisé les œuvres d'art, et plus généralement[...]

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