LEMARQUE FRANCIS (1917-2002)
Francis Lemarque, de son vrai nom Nathan Korb, est né à Paris le 25 novembre 1917. Dernier chanteur français dont la carrière se rattache à l'avant-guerre, il se situe dans la lignée de Charles Trenet et de Mireille. On peut voir en lui un troubadour des temps modernes, à la fois raffiné et populaire, affirmant très tôt son engagement auprès du Parti communiste, dont il fut un compagnon de route. Il choisit des sujets simples qu'il habille de mélodies originales et facilement mémorisables, sans jamais être banales.
Sa vocation, qui connut un épanouissement complet après la Seconde Guerre mondiale, remonte au milieu des années 1930. Fils d'immigrés juifs lituaniens, il vit de petits métiers et, encore adolescent, forme avec son frère Maurice un numéro de duettistes, Les Frères Marc, dans lequel Léo Noël s'impliqua également. En 1934, il adhère à un groupe de théâtre amateur baptisé Mars. Dès cette époque, son ascension est liée à une série de rencontres fructueuses qui lui permettent d'entrer en contact avec l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires (A.E.A.R.), et surtout avec le groupe Octobre qui réunit les frères Prévert, Maurice Baquet, Mouloudji, Roger Blin et Paul Grimault. Il fait aussi la connaissance de Pierre Dac et s'aventure dans le cinéma avec Jean Renoir, dans La vie est à nous (1936).
En 1946, c'est une nouvelle rencontre qu'il doit à Jacques Prévert : celle d'Yves Montand. Celui-ci prend en charge ses premiers succès d'auteur-compositeur, Ma Douce Vallée, Matilda et À Paris. Il se fait un ami du compositeur Michel Legrand, avec lequel il est appelé à collaborer. Sa carrière va alors se développer dans la modestie et la persévérance. De la belle époque de Saint-Germain-des-Prés datent ses rencontres avec Boris Vian et Juliette Gréco. Il chante dans des cabarets prestigieux de la rive gauche et remporte à plusieurs reprises les distinctions de l'Académie Charles-Cros, dont le grand prix en 1951. En 1958, ce sera l'Olympia avec Paul Anka, où il ne paraîtra en vedette qu'en 1989, à soixante-douze ans.
Depuis longtemps, Francis Lemarque était devenu un ambassadeur de la chanson française. Les tournées ont rythmé son destin : Algérie, Belgique, Canada, U.R.S.S. (40 concerts), Corée du Nord, États-Unis. De retour de Chine, il fait un succès d'une modeste et sensible chanson, Mon Copain de Pékin (1954). De Moscou, il ramène Le Temps du muguet (1957). Il devient également éditeur et découvreur de talents, compose pour Marcel Carné (Terrain vague, 1960) et Jacques Tati (Play Time, 1964), ainsi que pour quatre films dont Jean Gabin est la vedette (Les Vieux de la vieille, 1960 ; Le Gentleman d'Epsom, 1962 ; Le cave se rebiffe, 1961 ; et Maigret voit rouge, 1963 ; les deux derniers en collaboration avec Michel Legrand). On lui doit aussi plusieurs partitions pour la télévision dont, en 1986, Léon Blum à l'échelle humaine, avec son fils Michel Korb.
Si Francis Lemarque est présent sur les scènes du monde entier, c'est d'abord à Paris qu'il se sent chez lui. Il se produit à l'Olympia, au Casino de Paris, au Théâtre de l'Est parisien (T.E.P.), au Théâtre de la Ville, au théâtre Silvia Monfort, au théâtre de la Gaîté-Montparnasse, à l'auditorium des Halles... De son côté, Paris se retrouve dans sa diction précise et gouailleuse, qu'il utilise avec intelligence et noblesse. Il reste le chanteur de La Rue de Lappe où il est né, le chantre des amoureux de Paris, de la Seine, tel qu'on le voyait dans son spectacle Paris populi, conçu en 1973, créé en 1974 à la fête de L'Humanité avant de devenir en 1976 un succès audiovisuel sur scène, combinant chansons et techniques audiovisuelles.
L'attachement que Francis Lemarque porte au patrimoine l'a également amené, en 1985, à enregistrer[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Guy ERISMANN : écrivain et musicologue, secrétaire général adjoint de l'Académie Charles-Cros
Classification