POULENC FRANCIS (1899-1963)
Avec Arthur Honegger et Darius Milhaud, Francis Poulenc est l'un des trois compositeurs du groupe des Six dont l'œuvre a acquis aujourd'hui une renommée internationale. On ne saurait mieux caractériser cet artiste qu'en le disant « musicien français » par excellence. Francis Poulenc est français en effet par la clarté, le sens des proportions, la sensualité et l'imagination visuelle. La musique pure l'inspire peu, ou, du moins, ne constitue pas son domaine de prédilection. Mais la rencontre des poètes, les climats musicaux à créer, les caractères à dessiner aiguisent ses facultés. Il a merveilleusement assimilé les langages poétiques d'Apollinaire, de Max Jacob et de Paul Eluard, et c'est en s'appliquant d'abord à traduire avec exactitude le texte de Bernanos qu'il a fait des Dialogues des Carmélites un chef-d'œuvre sans équivalent sur la scène lyrique. Pour la première fois, en effet, la vie religieuse n'y est pas dénaturée, et Poulenc lui-même a pu dire qu'il avait composé un opéra dont le sujet était « la Grâce et le transfert de la Grâce ».
Primauté du style
Francis Poulenc naît à Paris le 7 janvier 1899, aveyronnais par son père, parisien par sa mère. Il s'est formé en dehors de l'enseignement officiel (ses maîtres ont été Ricardo Viñes, pour le piano, et Charles Kœchlin, pour la composition) ; se trouvant tout naturellement accordé à son temps, il n'a pas eu à lutter, si ce n'est contre sa propre facilité. Tout en se fiant à son propre goût, à son seul instinct, il s'inscrit pourtant dans la tradition de Chabrier, de Stravinski et de Satie. Francis Poulenc a toujours reconnu la dette qu'il avait contractée à leur égard : Chabrier a été, en quelque sorte, son « grand-père spirituel », Stravinski et Satie jouant pour lui le rôle à la fois de garants et d'exemples. Mais c'est moins du côté des musiciens que de celui des poètes et même des peintres (souvent cités dans ses écrits) que Francis Poulenc a recueilli les leçons qui lui ont permis de faire entendre une voix entre toutes personnelle, celle d'un musicien à qui l'on doit quelques-uns des plus beaux cycles de mélodies pour chant et piano composés au xxe siècle. N'est-il pas significatif que son premier chef-d'œuvre, écrit en 1919, soit Le Bestiaire, sur des poèmes d'Apollinaire ?
Au groupe des Six, Francis Poulenc doit certainement la liberté, l'audace, la franchise de ses débuts. La mode était alors aux œuvres brèves et cela convenait parfaitement au jeune musicien qui n'avait pas encore étoffé son langage. Trop longtemps regardé comme un « petit maître », même après avoir écrit des œuvres aussi importantes que le cycle de mélodies Tel jour telle nuit ou le Concerto pour orgue et orchestre, le compositeur est apparu sous un autre visage vers 1950, après la création de son Stabat Mater au festival de Strasbourg. Les Dialogues des Carmélites, créés en 1957 à Milan puis à Paris, achèvent de lui donner, aux yeux de la critique et du public, sa véritable stature.
On ne doit à Francis Poulenc aucune innovation d'ordre technique. Il n'est pas de la race des révolutionnaires ; encore moins de celle des théoriciens. Aux recherches sur le vocabulaire musical il a préféré l'invention et le perfectionnement d'un style. Mais s'il n'a pas innové, il a rénové la mélodie pour chant et piano, le motet (Stabat Mater), l'opéra bouffe (Les Mamelles de Tirésias), l'opéra (Dialogues des Carmélites). La musique vocale est, chez lui, un domaine privilégié. Par une conséquence toute naturelle, la primauté accordée au dessin mélodique se retrouve dans sa musique instrumentale. Francis Poulenc n'est pas un symphoniste ; il ne développe pas des thèmes, mais juxtapose et enchaîne des motifs[...]
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Écrit par
- Jean ROY : critique musical
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