FITZGERALD FRANCIS SCOTT (1896-1940)
L'origine d'une illusion
Né à Saint Paul, Minnesota, ville prospère sur le Mississippi, Fitzgerald se situe à la croisée de deux traditions. Du côté paternel il hérite d'un passé qui plonge aux racines de l'histoire américaine dans l'État catholique du Maryland. Son père n'est que le pâle rejeton d'une lignée d'ancêtres patriciens, inapte à l'action, tourné vers le passé, pour tout dire un raté aux yeux de l'Amérique affairiste d'après la guerre de Sécession. L'esprit d'entreprise est représenté par le côté maternel, avec le grand-père McQuillan qui a quitté son Irlande misérable pour se tailler une solide fortune dans un Middle West en expansion. Il meurt jeune, mais le souvenir de cette réussite exemplaire ne cessera de hanter le jeune garçon dont le père, qui se veut gentleman, vit aux crochets des McQuillan. C'est dans ce conflit d'influences que grandira l'enfant, dans un milieu matriarcal confit en dévotions, poussé dans le monde par une mère aigrie, divisé, conscient de vivre en marge de la réalité. Cette marginalité, nourrie par sa foi catholique et son sang irlandais, il la ressentira pleinement quand il tentera de s'affirmer dans l'Amérique anglo-saxonne et protestante de l'Est.
L'héritage de la grand-mère McQuillan lui permet d'entrer en 1913 à l'université de Princeton, sorte de club prestigieux pour la jeunesse dorée du Sud. Une fois de plus, pour le jeune Scott, qui vient d'avoir dix-sept ans, la grande affaire est de briller, de réussir, de faire oublier qu'il est un jeune homme relativement pauvre dans un monde de riches. Évincé de l'équipe de football, la fine fleur du campus, il réussit à s'imposer dans une société théâtrale pour laquelle il se dépense sans compter, écrivant plusieurs livrets de comédies musicales, dans l'espoir d'être élu à quelque fonction importante dans la hiérarchie qui régit la vie mondaine de l'université. Il atteint presque son but, mais devant ses notes insuffisantes les autorités lui interdisent toute participation à ces fonctions. C'en est fini de ses ambitions. Cet échec coïncide avec la fin de ses amours malheureuses avec une riche héritière de Chicago, Ginevra King. Désespérant de devenir un homme d'action, sur le stade ou dans les comités, il se lance à corps perdu dans une activité de substitution, la littérature, publiant plusieurs nouvelles et poèmes dans la revue que dirige Wilson. Mais, ayant perdu tout intérêt pour l'université, il s'engage dans l'armée et quitte Princeton, sans diplôme, à l'automne de 1917.
Dans les camps d'entraînement il occupe ses loisirs à rédiger sur le mode confessionnel ce qu'il considère comme le testament de sa génération. Persuadé qu'il va être tué en Europe, il tente d'y incorporer tout ce qui lui tient à cœur : une enfance inventée, avec une mère romanesque, ses déconvenues d'amour-propre, ses premières humiliations amoureuses, le songe d'une nuit d'été qu'a été son passage à Princeton, et tout le Zeitgeist de la nouvelle sensibilité dont il se pose en représentant. La vie se charge d'ajouter un épisode à cette « éducation d'un personnage » : il tombe amoureux d'une jeune fille d'Alabama, Zelda Sayre, fille d'un magistrat sans fortune, celle qui va devenir le modèle séduisant et fantasque de ses multiples portraits de femmes émancipées. Mais la gloire promise qui auréole le jeune officier disparaît lorsque l'armistice est signé sans qu'il ait pu quitter le sol natal. Il n'est plus qu'un soldat démobilisé et sans emploi que Zelda, dégrisée, refuse d'épouser. Après une courte carrière à New York dans un emploi subalterne de publiciste, incapable de faire accepter son manuscrit ou les contes qu'il rédige fébrilement, il retourne désespéré[...]
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Écrit par
- André LE VOT : professeur honoraire à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Médias
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