THOMPSON FRANCIS (1859-1907)
Fils d'un médecin de Preston (Lancashire) converti, comme sa femme, au catholicisme, Thompson, destiné d'abord au sacerdoce, est envoyé, à dix ans, au séminaire d'Ushaw, près de Durham. Après de bonnes études classiques, il en sort sept ans plus tard : le supérieur n'imagine pas un futur prêtre en cet enfant rêveur. Des études médicales à Manchester, entreprises à contrecœur, mènent le jeune homme à l'échec puis, après la mort de sa mère, au laudanum et à la fuite loin du foyer paternel. Perdu dans Londres, il y vit d'abord de métiers de fortune, pour sombrer bientôt dans la plus noire misère. L'envoi, en 1887, de quelques écrits à Wilfrid Meynell, directeur de Merry England, revue littéraire catholique, aboutit, en avril 1888, à la publication d'un poème, puis au sauvetage du poète clochard par Alice et Wilfrid Meynell. De nombreux poèmes sont écrits coup sur coup pour Merry England, dont le Limier céleste (The Hound of Heaven, 1890). Un premier recueil, Poems (1893), est accueilli comme une révélation. Un second volume, Chants jumeaux (Sister Songs, 1895), est en fait œuvre précoce et de circonstance, écrite à la louange de deux des petites filles des Meynell. New Poems (1897) est d'une tout autre veine : il fut composé pour une bonne part sous l'influence de l'amitié de Coventry Patmore, pendant une brève période de retraite passée, loin de la drogue et de Londres, à l'ombre d'un monastère franciscain du pays de Galles.
L'enthousiasme soulevé par le premier recueil est bien retombé, et les deux autres font peu de bruit. Le poète vivra cependant de sa plume jusqu'à sa mort ; c'est un critique littéraire influent bien qu'il soit inconnu, puisque pendant près de dix ans il rend compte anonymement chaque semaine, dans The Academy ou The Athenaeum surtout, de l'actualité littéraire.
C'est le poète surtout qui demeure. Mais si le style flamboyant et chargé d'images colorées et de réminiscences érudites des deux premiers recueils plut aux contemporains, c'est dans Nouveaux Poèmes que le lecteur moderne trouvera de grandes richesses : le symbolisme liturgique et biblique des poèmes groupés sous le titre commun « Vue et Vision » (« Sight and Insight ») trouve écho dans la sensibilité et la réflexion modernes. Antienne de la Terre (An Anthem of Earth) et Dans la nuit de la prévie (From the Night of Forebeing) annoncent étrangement la pensée et parfois même le style de Teilhard de Chardin. Mais c'est la grande ode, le Limier céleste, qui reste le chef-d'œuvre du poète : il y réussit à nouer, dans la splendide image de l'âme de l'homme poursuivie par le limier divin, les thèmes chrétiens traditionnels de l'amour gratuit de Dieu, de la terreur de l'homme devant l'ardeur de cet amour, de l'illumination qui suit le retournement, la « conversion », nécessaire. Ce n'est pas sans raison que ce poème, constamment réimprimé, a atteint une célébrité universelle.
Claudel, grand admirateur de Thompson, traduira son Corymbe de l'automne en même temps que divers poèmes de Coventry Patmore, leur ami commun.
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Écrit par
- Pierre DANCHIN : président honoraire de l'université de Nancy-II
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