FRANCISCAINS
Le Moyen Âge franciscain
Le problème interne à l'organisation de l'ordre, et qui s'impose tout de suite, consiste en la difficulté pour ses membres d'être volontairement pauvres. Les frères veulent le demeurer, mais tout se ligue pour les en empêcher, et d'abord la nécessité d'asseoir leur propre expansion. Autre est la condition économique de la demi-douzaine de premiers compagnons, autre celle d'un grand ordre, adoptant des structures cléricales puis une institution quasi monastique, et sans cesse sollicité de créer des fondations nouvelles, de l'Angleterre à la Syrie et de la Pologne au Portugal. François est mort en 1226, marqué miraculeusement en son corps par des plaies semblables à celles du Christ crucifié. Dès 1230 apparaît, avec la bulle Quo elongati, le premier essai de solution du problème de la pauvreté, solution qui est aussi la première brèche ouverte dans une conception absolue de cet idéal ; la bulle prend en considération l'enchaînement des fictions juridiques sur le propriétaire réel des biens meubles et immeubles dont les frères sont usagers. On aboutit ainsi, sous le pontificat de Jean XXII, en 1322, avec la bulle Ad conditorem, à l'institution d'un système de personnes interposées entre les frères et les propriétaires, qui réduit à rien l'idéal initial. Les frères restent à l'écart de bien des préoccupations financières ou économiques, tout en étant à l'extérieur parfaitement « à l'aise », en vivant de mendicité presque exclusive et en organisant des secours pour subvenir à la misère des plus pauvres (monts-de-piété).
Aux xiiie et xive siècles, d'autres problèmes internes se posent au monde franciscain, car la sauvegarde de l'idéal du fondateur ne concerne pas seulement la pauvreté évangélique. Le généralat de saint Bonaventure, maître à l'Université de Paris, a joué un rôle décisif dans l'évolution de l'ordre, qui s'amorce vers 1220 avec l'entrée en masse de clercs dans la fraternité. N'ayant pas connu François ni été formé par lui, Bonaventure laisse de côté une partie de l'idéal non conformiste de l'initiateur. Il entre dans un ordre déjà cléricalisé par le grand nombre des prêtres et des savants qui l'y ont précédé, et il aggrave encore cette cléricalisation en alignant l'ordre – ce que François avait toujours refusé – sur les usages monastiques traditionnels. Les Constitutions de Narbonne (1260) consacrent cet état de choses, ainsi que l'importance des études, la conquête des grades universitaires et d'une situation dans le monde savant où s'organise alors la scolastique. D'ordre mendiant, les Franciscains deviennent un ordre intellectuel où les docteurs et maîtres se multiplient, tels Bonaventure, Duns Scot, Roger Bacon, Guillaume d'Ockham ; ce sont eux qui s'imposent. Cela mécontente bien des gens. À l'extérieur, le clergé diocésain voit d'un mauvais œil des religieux venir évangéliser leurs ouailles ; les universitaires ne comprennent pas comment les mêmes hommes peuvent appartenir à deux sociétés, leur ordre et l'Université (le problème de la double appartenance tracasse beaucoup le Moyen Âge). À l'intérieur, les vieux compagnons de François et ceux qui ont été formés par eux ressentent une grande tristesse de voir évoluer – mourir, disent-ils – l'idéal primitif. La littérature du genre des Fioretti et de certaines Légendes de saint François – celle des Trois Compagnons, par exemple – reflète cette nostalgie.
Comment ne pas évoquer la place considérable tenue par l'école franciscaine dans l'enseignement et l'expérience spirituelle de l'Église depuis le xiiie siècle ? Si François d'Assise le premier se montre un vrai maître de vie spirituelle, c'est[...]
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Écrit par
- Willibrord-Christiaan VAN DIJK : frère mineur capucin, bibliothécaire provincial.
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