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GONZALEZ LEDESMA FRANCISCO (1927-2015)

Les romanciers espagnols l’avaient baptisé « le chef de la bande », surnom qui reflétait l’affection et le respect qu’ils lui témoignaient.

Né le 17 mars 1927, à Poble Sec, un quartier populaire de Barcelone, Francisco Gonzalez Ledesma est issu d’une famille modeste. Malgré les difficultés économiques et la dictature franquiste, en conjuguant le travail et les études, il est diplômé en droit à vingt-trois ans et devient avocat. Mais, déçu par un métier trop absorbant qui l’isole de toute vie sociale, il va quitter les prétoires pour réaliser un vieux rêve d’enfance et devenir journaliste. Conseiller juridique pour El Correo Catalán et pour La Vanguardia (1963), dont il deviendra rédacteur en chef, il est en 1966 l’un des douze fondateurs du Groupe démocratique des journalistes, une association clandestine pour la liberté de la presse.

Très jeune, Gonzalez Ledesma manifeste auprès de ses camarades un grand talent de conteur. À vingt ans, il écrit son premier ouvrage, Sombras viejas(1948), qui évoque le coup d’État du 6 octobre 1934. Un jury présidé par Somerset Maugham attribue au manuscrit le prix international du roman. Malgré cette distinction, l’édition du livre sera interdite à trois reprises. Désormais, Gonzalez Ledesma ne songe qu’à écrire, autant par plaisir que par nécessité financière. Pendant la dictature, il choisit le pseudonyme de Silver Kane sous lequel il va publier aux éditions Bruguera, pendant trente ans (1951-1981), plus de quatre cents fascicules (équivalents espagnols des pulps des États-Unis) consacrés à l’aventure ou au Far West. Leurs constantes réimpressions témoignent de leur succès populaire.

Malgré la frustration générée par la censure franquiste, il écrit Los Napoleones(1964), qui devra attendre treize ans avant d’être publié. Cette fresque sur Barcelone, de la fin de 1936 à 1982, est construite autour des destins d’individus plus ou moins anonymes. Les uns, de modeste origine, s’engagent pour défendre la République. Les autres, plus avisés, attendent l’issue du conflit, cachés ou exilés. Soldados (1985) et Los símbolos(1987) complètent cette saga sur Barcelone et ses quartiers populaires. Le romancier, évoquant ces titres,considérait que la mission du roman policier consistait à « fouiller dans les entrailles d’une ville, d’une société », lui qui a fait de Barcelone un personnage à part entière de ses œuvres.

Pour poursuivre dans cette voie, il crée le personnage de l’inspecteur Ricardo Mendez, un vieux « flic » de Barcelone, proche de la retraite, affecté dans le fameux quartier du Barrio Chino désormais disparu. D’un rare scepticisme sur la nature humaine, Mendez ne croit ni en l’État ni en la justice ; pour lui, seules comptent la morale individuelle et la « loi » des rues qu’il connaît comme sa poche. Son dossier professionnel est d’une accablante médiocrité, car, outre ses conceptions toutes personnelles, Mendez se singularise en n’arrêtant jamais personne et il n’hésite pas à prendre la défense des plus humbles. Depuis Le Dossier Barcelone (El expediente Barcelona, 1983, finaliste du prix Blasco Ibañez), où il n’a qu’un rôle secondaire, jusqu’à Des morts bien pires (Peoresmaneras de morir, 2013), où il quitte la scène définitivement, Mendez est un personnage récurrent, présent dans dix romans et un recueil de nouvelles (Mendez, 2006). Parmi toutes ses enquêtes, la plus poignante reste La Dame de Cachemire (La dama de Cachemira, 1986) qui aborde des sujets sensibles : frustration, solitude, résignation, illusions. Mendez se trouve confronté à de véritables paralytiques tout autant qu’à des imposteurs, mais l’histoire abonde en personnages secondaires attachants. Et le policier découvrira qu’on peut mourir d’avoir trop rêvé et que le meurtre peut être l’ultime refuge de la tendresse. En France, ce roman a reçu le prix mystère de la[...]

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  • POLICIER ROMAN

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    • 14 médias
    ...bas-fonds. Manuel Vazquez Montalbán (1939-2003), « le Chandler catalan », prend le relais pour relancer le genre avec Pepe Carvalho, son détective épicurien. Francisco Gonzalez Ledesma, après avoir publié plus de 500 pulps sous le pseudonyme de Silver Kane, passe au roman. Certains s'apparentent à une chronique...