MACÍAS NGUEMA FRANCISCO (1924-1979)
« L'unique miracle que la Guinée équatoriale ait produit », selon les propres termes du dictateur qui avait donné cette modeste définition de sa personne, a terminé sa macabre carrière sous les balles d'un peloton d'exécution, le 29 septembre 1979, après avoir été renversé par son neveu, bras droit et successeur. Cette fin sanglante que lui prédisaient les observateurs et la quasi-totalité de son peuple, écrasé ou exilé par sa folie, n'a été déplorée par aucun de ses soutiens internationaux (U.R.S.S., Cuba, Chine, France...), tant il avait dépassé les bornes, pourtant extensibles dans ce pays, de la tyrannie la plus débridée et la plus irresponsable.
Fils d'un sorcier fang, qui émigra dans la région de Mongomo au Rio Muni, le jeune Masié (il transforma son nom ultérieurement en Macías), dont le lieu et la date de naissance sont controversés, fut un produit médiocre des écoles de la Mission catholique. De la période coloniale, il conserva une haine farouche à l'égard des Espagnols et de tous ceux qu'il qualifiait d'intellectuels. De fait, par manque d'aptitudes et de connaissances, il dut sa lente progression dans la fonction publique coloniale (interprète-adjoint au tribunal indigène de Mongomo) au patronage des Européens. Sa carrière politique fut, elle aussi, le fruit de la bienveillance des autorités coloniales qui se méprirent sur les sentiments de celui qu'elles avaient nommé maire de Mongomo, puis conseiller (ministre) des Travaux publics et vice-président du gouvernement autonome de la Guinée équatoriale (1964-1968). Habilement guidé par un avocat madrilène qui sut exploiter à son profit les dons oratoires et l'influence magnétique de ce villageois sur les foules fang (la majorité de la population), peu portées à suivre des leaders trop occidentalisés, Macías Nguema opéra un virement radical en 1967-1968. Au moment où les partis nationalistes négociaient avec l'Espagne, Macías, revenant sur sa soumission calculée, se fit le porte-parole de l'intransigeance. Sa surenchère, dans le contexte de l'époque, fut payante et il fut élu président de la République le plus légalement du monde en septembre 1968.
Mais c'était un Mr Hyde qui venait d'accéder à la magistrature suprême du seul État indépendant (12 octobre 1968) d'expression espagnole en Afrique noire. Dès cette date, certains troubles psychiques s'étaient manifestés chez lui. Au pouvoir, son complexe d'infériorité engendra une mégalomanie grotesque qui ne tarda pas à devenir violente. Après la crise de février-mars 1969 qui manqua le renverser, l'éviction des Espagnols, le début de l'effondrement de l'économie et l'élimination physique progressive de l'essentiel du personnel politique en mesure de lui contester le pouvoir, sa carrière se confond avec une extraordinaire régression de la Guinée équatoriale. Prisonnier de ses craintes perpétuelles de complot, ayant recours aux forces occultes pour gouverner, incapable d'assumer à lui seul la conduite des affaires, mais faisant exécuter tous ceux (étudiants, femmes, enfants compris) qui auraient pu le contrarier ou le supplanter, le président à vie entra dans la spirale de la terreur. À la fin de son règne, un tiers de la population vivait en exil et il n'y avait plus le moindre appareil d'État (sauf l'armée et la police politique) ni la moindre apparence de rationalité ou de cohérence politique et économique (tout l'argent et tous les médicaments du pays tout entier se trouvaient sous clef dans le village où le président vivait reclus, entouré de ses fétiches). Seuls la famille du président et son clan, les Esengui, profitaient de cette situation. Mais lorsque la démence de Macías le conduisit, au printemps de 1979, à exécuter jusqu'aux membres de sa famille, celle-ci jugea qu'il n'y avait pas lieu de continuer une expérience qui s'était jusque-là révélée rentable pour elle. Le 3 août 1979,[...]
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Écrit par
- René PELISSIER : docteur d'État ès lettres
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Autres références
-
GUINÉE ÉQUATORIALE
- Écrit par Encyclopædia Universalis et René PELISSIER
- 4 518 mots
- 2 médias
...nigérians maltraités et non payés par les Équato-Guinéens aboutirent à faire chuter la production à moins de 8 000 tonnes dans les dernières années de la dictature du président Macías. Ce dernier avait introduit sur les plantations d'État (celles qui étaient abandonnées par les Européens) le travail forcé...