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CITTI FRANCO (1935-2016)

C'est Ninetto Davoli, qui partagea la vie et le travail de Pier Paolo Pasolini, qui a annoncé la mort à Rome de Franco Citti, le 14 janvier 2016. « La mort de Franco est une énorme douleur, nous avions en commun la plupart de nos films, mais aussi la plus grande partie de notre existence. » Ninetto Davoli reste le dernier « ragazzo di vita », pour reprendre le titre du roman publié par Pasolini en 1955.

Franco Citti est né le 23 avril 1935 à Fiumicino, aujourd'hui site de l'aéroport de Rome, alors banlieue misérable peuplée de sous-prolétaires et de petits délinquants. Le jeune maçon qu'il était croisait les prostituées, les petits voleurs, tous ceux qui peuplent le premier film de Pasolini, Accattone, dont il sera le protagoniste en 1961. Au début des années 1950, c'est dans une pizzeria du quartier romain de Torpignattara que son frère Sergio (1933-2005) lui avait présenté le poète, alors instituteur dans une école de Ponte Mammolo, un autre secteur un peu excentré de la capitale. Sergio était passé par la délinquance, Franco était adolescent. Le football, la littérature, la rébellion, le refus des compromis, la poésie les réunissaient. Sergio avait initié Pasolini au romanesco, le dialecte qu'il utilisa dans ses romans. Le poète l’appelait son « dictionnaire vivant ».

Dans Accattone, Franco Citti fut Vittorio Cataldi, dit Accattone, l'un de ces proxénètes qu'il côtoyait depuis toujours, et dont plusieurs étaient présents sur le plateau, comparses bienveillants de leur propre évocation. Un proxénète promis à une mort tragique et dérisoire, première incarnation au cinéma de la fatalité pasolinienne. À vingt-cinq ans, sans aucune expérience d'acteur, cet autodidacte devient l'une des plus belles figures de l'histoire du cinéma, et l'une des plus émouvantes. Le compagnonnage des deux frères avec Pasolini ne cessera plus. En 1962, après avoir pratiquement joué son propre rôle dans Une vie violente de Paolo Heusch et Brunello Rondi, d'après le roman de Pasolini, Franco interprète le rôle de Carmine, le souteneur auquel l'héroïne du film Mamma Roma (Pasolini, 1962), interprétée par Anna Magnani, croit pouvoir échapper. Après quelques autres rôles au cinéma et un passage remarqué au théâtre (Carmelo Bene le choisit en 1964 pour être Jean-Baptiste dans sa version de Salomé), il incarne Œdipe Roi (1967), nouvelle apparition inoubliable dans l'univers pasolinien, puis joue un rôle secondaire dans Porcherie (1969). Dans Le Décaméron (1971), il est ser Ciappelletto, vrai pécheur et faux dévot. En 1972, Franco Citti est le diable en personne dans Les Contes de Canterbury (1972), puis un démon oriental dans Les Mille et Une Nuits (1974). Il joue Calo dans la séquence sicilienne du Parrain de Francis Ford Coppola (1972), son rôle évidemment le plus marquant en termes de notoriété internationale, qu'il reprendra en 1990 pour Le Parrain III. À la télévision, il joue en 1978 dans Yermade Marco Ferreri, adapté d'une pièce de Federico García Lorca.

La figure de Franco Citti est inséparable de celle de son frère Sergio, qui fut scénariste et cinéaste avec la complicité et le soutien de Pasolini. Franco fut l'interprète de plusieurs films réalisés par Sergio, parfois comme protagoniste, parfois comme personnage secondaire : Ostia (1970), Histoires scélérates (1973), La Cabine des amoureux (1977), Il minestrone (1981), I magirandagi(1996). Ninetto Davoli, Laura Betti, la muse de Pasolini, Vincenzo Cerami, qui fut son scénariste, Roberto Benigni à ses débuts, sont présents sur certains de ces films. Les frères Citti finirent par diriger ensemble CartoniAnimati (1998), clairement inspiré du Miracle à Milan de Vittorio De Sica. Un film au destin difficile puisqu'il attendit six années avant d’être distribué, dans de mauvaises conditions.[...]

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