DONATONI FRANCO (1927-2000)
L’aléatoire comme renoncement
On peut distinguer plusieurs phases dans le parcours original de ce compositeur. Son langage musical s'apparente d'abord à ceux de Stravinski ou de Bartók (Composizione in quattro movimenti, pour piano, 1955). Puis il s'oriente vers une musique qui, outre quelques principes d'inspiration sérielle, incorpore le hasard, lié à une symbolique fort personnelle dans le jeu des nombres ; l'influence de John Cage est à cet égard manifeste dans des pièces comme Quartetto II, pour quatuor à cordes (1958), Strophes, pour orchestre (1959), For Grilly, « improvisation » pour sept instruments, ou Sezioni, « invention » pour orchestre (1960). Donatoni se rallie d'autant plus facilement à l'aléatoire – symbole de l'opposition entre ordre et chaos –, dont la pratique se développe dans les années 1960, qu'il y trouve un fondement à son malaise existentiel : en dissociant le matériau musical de l'acte qui le transforme, cette démarche représente pour lui une façon d'abdiquer la responsabilité qu'implique normalement l'acte de composer ; en d'autres termes, c'est une manière de renoncer à l'écriture. C'est également à cette époque qu'il inaugure une nouvelle conception formelle qu'il utilisera toute sa vie, la forme à panneaux : ce type d'écriture implique une conception du temps où l'instant s'éternise, abolissant ainsi le passé et le futur ; le temps, simplement soumis à des changements de perspective, apparaît alors comme suspendu, ne trace plus une trajectoire tendue mais dessine désormais une spirale. Cette notion de panneau représente ainsi une alternative à celle qui avait prévalu avec le développement du système tonal. Cette conception est très caractéristique de la pensée de l'après-guerre, marquée par le rejet de l'histoire, dont les calamités ne sont plus imputées au hasard ou au destin mais mettent directement en cause la responsabilité humaine. Le désir d'échapper au poids du passé se manifeste chez Donatoni par des actes d'émancipation et de libération du matériau. Naissent alors des partitions comme Puppenspiel II, pour flûte et orchestre (1966), Doubles II, pour grand orchestre (1970), Quarto Estratto, pour huit instruments (1974).
Au début des années 1970, Donatoni étend l'utilisation du hasard, qu'il combine avec une recherche contrapuntique très rigoureuse, aboutissant avec To Earle two, pour orchestre (1971-1972), à une composition dont la matière est quasi inerte ; il réalise ainsi son projet de non-œuvre. Morte avant même de naître, la non-œuvre touche par sa fuite.
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Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
Classification
Autres références
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CITATION, musique
- Écrit par Alain FÉRON
- 1 044 mots
- 1 média
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