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FORNARI FRANCO (1921-1985)

Né dans un village de l'Italie du Nord – Rivergaro, près de Plaisance –, Fornari devint neuropsychiatre et acquit sa formation psychanalytique auprès de Cesare Musatti, le père de la pensée freudienne à Milan. Mais il était également imprégné de l'œuvre de Melanie Klein et, plus généralement, des travaux de l'école anglaise (Bion en particulier).

Cet Italien s'est intéressé à la guerre, qu'il considérait comme une institution mise en crise par la situation atomique. La guerre équivaut à une élaboration paranoïaque du deuil, du monde de l'absence : ce que, fantasmatiquement, j'entends garder — et donc défendre —, c'est mon objet d'amour vécu comme menacé par un ennemi sur lequel est projetée la partie mauvaise du soi. La situation atomique met en crise ce mécanisme mental, dans la mesure où le risque de voir disparaître l'humanité cesse de faire de la guerre un moyen valable de conserver l'objet d'amour. Cette thèse remonte aux années soixante (Psicoanalisi della guerra, 1966 ; Psicoanalisi della situazione atomica, 1969 [trad. franç., Gallimard, 1969]). En 1981, avec La Malattia dell'Europa, Fornari a fait une autre proposition fascinante dans le domaine de la psychopolitique : à travers l'étude d'une interview de Colby, l'ex-responsable de la C.I.A., il montre que Yalta peut être comparé au repas qu'Atrée offrit à son frère Thyeste. L'Américain et le Soviétique, ces frères vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, se haïssent, mais feignent la paix, se constituant en pseudo-parents de l'Europe, dont ils se donnent l'un à l'autre les peuples à dévorer. Le terrorisme italien serait le dernier avatar de cette situation.

Toutefois, Fornari est un penseur optimiste, un thérapeute (son dernier livre — Affetti e cancro, 1985 — est consacré au cancer). Il considère que révéler les processus psycho-historiques réels peut conduire à trouver des remèdes à des situations dont l'issue semblerait fatale. Le même optimisme se retrouve à propos de la sexualité. Dans Genitalità e cultura (1975 ; Sexualité et culture, P.U.F., 1980), contrairement à Freud, mais aussi à Reich et à Marcuse, il oppose avec force la sexualité génitale, régie par une pulsion d'échange, à la sexualité prégénitale, que domine une pulsion d'appropriation et qui a partie liée avec la pulsion de mort. Simultanément, associant culture et génitalité, il refuse l'idée d'un antagonisme entre culture et nature, ainsi que le mythe de la nature nuisible à la sexualité. L'analyse des objets culturels, dans lesquels Fornari voyait une « programmation d'affects », tient une place non négligeable dans son œuvre : étude sur Agostino de Moravia, recherches sur plusieurs peintres (Giorgione notamment), une lecture de Carmen (Carmen adorata, 1985) et une Psicoanalisi della musica (1984).

Mais les deux ouvrages où il est le mieux possible de juger de l'ambition du projet fornarien sont I Fondamenti di una teoria psicoanalitica del linguaggio (1979) et Il Codice vivente (1981). Le premier a son point de départ dans une ré-élaboration de L'Interprétation des rêves de Freud et, plus précisément, de cette idée que tous les symboles du rêve renvoient à la parenté, au corps érotique, à la naissance et à la mort. Le langage de l'inconscient peut donc être considéré comme un ensemble de parentèmes et d'érotèmes marqués du signe positif ou négatif (vie ou mort). C'est à travers ces éléments, que Fornari nomme coinèmes (du grec koinos, qui signifie « commun », d'où dérive « communication »), que se réalise la sémiotisation du monde. Le petit Hans associe bien le coinème père, qui est inné en lui, à son père réel, mais il le met également dans le cheval. C'est la même chose pour tous les petits des hommes qui[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, en poste à l'université de Grenoble-III-Stendhal

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