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ASCHER FRANÇOIS (1946-2009)

L'art de réaliser des découvertes inattendues, ou sérendipité, caractérise ce qui maintient les villes au cœur du monde. Ces très grandes concentrations humaines sont aussi les principaux lieux d'échange. Elles favorisent comme nul autre type d'espace le hasard des rencontres, précipitant les inventions qui seront au cœur du monde de demain. Les moyens accrus de télécommunication et l'hypermobilité contemporaine modifient la façon dont les Métapolis (1995) s'organisent et se rapportent à leurs territoires environnant par dissolution des frontières entre ville et campagne, transformation de l'articulation des espaces publics et privés, modification des rapports entre mobilité et ancrage... Autant d'éléments qui occupent une place centrale dans la pensée et les analyses de François Ascher, qui a forgé et organisé l'essentiel de ces concepts.

Passeur et penseur subjectif interdisciplinaire, François Ascher est né en 1946 à Metz. Jeune économiste, il participe à la fondation de la nouvelle sociologie urbaine dans un contexte marqué par le foisonnement marxiste du début des années 1970. Tout à la fois passionné d'architecture et critique à l'égard de la place prépondérante des architectes dans une approche souvent trop formelle des villes, il revendique une place accrue pour les sciences humaines et plaide pour le renforcement des liens entre recherche scientifique, expertise et propositions d'action. Il développe une analyse davantage soucieuse de prendre en compte les besoins des gens et la vie quotidienne : ainsi de ses initiatives pour ouvrir la ville de l'hypermobilité aux handicapés.

Cette vocation de chercheur, François Ascher l'exerça notamment à l'Institut français d'urbanisme (1981-1986), au ministère de l'Équipement (1986-1999), à la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (1990-1993) et au ministère de la Recherche (2000-2003). Attaché à traduire en actes l'hypermodernité urbaine qu'il décrivait, scientifique impliqué dans la vie politique, il s'est montré un inlassable inventeur de dispositifs d'échange et de discussion entre les maîtres d'ouvrage locaux, l'État et le milieu de la recherche, depuis le Club Ville et Aménagement (qui regroupe les principaux aménageurs français et qu'il a porté à ses débuts en 1995) jusqu'au conseil scientifique de l'Institut pour la ville en mouvement qu'il a présidé à partir de 2000. Conformément à son éthique, ces clubs sont des lieux de partage et non des canaux de diffusion d'une « doctrine ». Ils traduisent simplement l'idée, centrale, selon laquelle le compromis et la discussion sont au cœur de la construction de la ville.

François Ascher acquiert la certitude qu'on ne peut comprendre la ville sans penser les transformations contemporaines des sociétés et des cultures. Proche des théoriciens de la modernité réflexive (Anthony Giddens, Scott Lasch, Ulrich Beck), il consacre plusieurs livres aux logiques de la Société hypermoderne (2001) ou « hyper-texte ». Dans cette démarche, il mobilise ses capacités de lecteur assidu, sa passion pour les données statistiques, sa connaissance très précise d'une bonne partie des recherches en sciences humaines et sociales et un recours très réflexif à son expérience personnelle.

Avec la transformation des modes de pensée (comme l'émergence de la théorie des systèmes), le rôle de l'innovation (technologique ou organisationnelle) devient central dans son approche des conditions de la transformation du monde. C'est en particulier le cas pour les outils de télécommunication ou pour ceux de la mobilité, en particulier automobile. Les nouvelles technologies ne conduisent pas à une simple modification des équilibres antérieurs mais à une organisation urbaine inédite. Les débats[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université Paris-VIII et à l'Institut français d'urbanisme
  • : directeur délégué de la chaire Ville à Sciences Po, Paris

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