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AUBIGNAC FRANÇOIS HÉDELIN abbé d' (1604-1676)

L'un de ces abbés qui tiennent tant de place dans l'histoire de la littérature — et des théories littéraires — au xviie siècle. Il a été prédicateur, romancier, dramaturge, poète, mais il a surtout voulu être, quant à lui, le législateur du théâtre. En 1640, une querelle l'oppose à Ménage à propos de la durée de l'Heautontimoroumenos de Térence, querelle de prestige en quelque sorte, qui doit décider lequel des deux érudits est le plus fin connaisseur. D'Aubignac a déjà commencé à rédiger sa Pratique du théâtre. Mais, découragé peut-être par son échec à l'Académie française, et sans doute par la mort de Richelieu, qui l'avait choisi pour précepteur de son neveu et s'était fort intéressé à son entreprise, D'Aubignac ne publie pas son livre : il ne le fera qu'en 1657. L'ouvrage (qui, nous dit l'auteur, est un traité de technique plutôt que de théorie théâtrale — la théorie est censée être celle d'Aristote) comprend quatre parties : la première est consacrée aux conditions extérieures de la représentation et de l'action dramatique, la deuxième au sujet, à la vraisemblance, aux unités, à la conduite de l'action et à la tragi-comédie, la troisième aux « parties de quantité du poëme dramatique », la quatrième aux « discours », aux « figures » et aux « machines ». D'Aubignac développe une conception de l'action dramatique que Racine résumera en une phrase de la préface de Britannicus : « Une action simple, chargée de peu de matière, telle que doit être une action qui se passe en un seul jour » (D'Aubignac dirait en douze, en six, ou plutôt même en trois heures) « et qui, s'avançant par degrés vers sa fin, n'est soutenue que par les intérêts, les sentiments et les passions des personnages ». Pour l'auteur de la Pratique du théâtre, « il n'y a que le vray-semblable qui puisse raisonnablement fonder, soutenir et terminer un poëme dramatique » — mais cette vraisemblance n'est pas seulement pour lui celle de l'action, elle est aussi celle de la représentation —, d'où sa sévérité en matière d'unités (c'est parce que la durée de l'action ne doit pas excéder celle du spectacle qu'il aimerait la réduire à trois heures). Ainsi se trouve codifiée « à ce tournant du siècle toute la doctrine qu'une génération de critiques avait travaillé à établir » (R. Bray) et que D'Aubignac lui-même enseignait depuis vingt ans. Entre 1642 et 1650, il avait tenté de l'appliquer dans quatre tragédies en prose : une tragédie mythologique, une tragédie nationale, une tragédie chrétienne et une Zénobie (1645) « où la vérité de l'histoire est conservée dans l'observation des plus rigoureuses reigles du poëme dramatique » ; ce sont autant d'échecs, mais le public ne pouvait qu'avoir tort contre l'irascible et vaniteux abbé. Celui-ci tient cercle : c'est d'abord « l'Académie allégorique » (comme l'appelle Sorel), c'est ensuite, à partir de 1663, l'Académie des Belles-Lettres. Il fait campagne contre la vogue précieuse, contre les romans à la mode, contre Corneille qui, aux exigences trop étroites pour lui de la Pratique, a opposé dans trois Discours ses propres conceptions de l'art dramatique (D'Aubignac lance en 1663 ses Remarques sur la tragédie de Sophonisbe, ses Dissertations contre Sertorius, contre Œdipe et contre « les calomnies de M. Corneille ») ; il fait campagne enfin contre le prestige d'Homère : dans ses Conjectures académiques (1670), il dénonce, à l'instar des plus fougueux des Modernes, les incohérences et l'archaïsme barbare des poèmes homériques et met en doute l'existence d'un auteur unique. L'influence de D'Aubignac, très forte sur[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII

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