BÉDARIDA FRANÇOIS (1926-2001)
Les livres de François Bédarida ont renouvelé l'historiographie de la Grande-Bretagne et de la Seconde Guerre mondiale, et son action au sein de la communauté scientifique a fortement contribué à transformer la recherche en histoire contemporaine. Il faut ajouter le courage de l'homme qui a su, à certains moments de sa vie, prendre ses responsabilités de citoyen et d'intellectuel.
Son père, Henri Bédarida, le grand italianiste professeur à la Sorbonne, a certainement montré l'exemple. Pendant l'Occupation, il héberge le père Chaillet ; François, tout naturellement, s'engage alors dans la Résistance, au sein du mouvement Témoignage chrétien où il rencontre Renée, sa future épouse. Le parcours universitaire est ensuite brillant : l'entrée à l'École normale supérieure en 1946 et l'agrégation en 1949. Après une courte expérience dans l'enseignement secondaire, au lycée Thiers à Marseille, François Bédarida part pour Londres, où il est d'abord chercheur à l'Institut français du Royaume-Uni (1950-1956), puis attaché de recherche au C.N.R.S. (1956-1959). Dès lors, s'affirme et se confirme sa vocation d'historien de la Grande-Bretagne. Après avoir été assistant à la Sorbonne pendant cinq ans, il est nommé directeur de la Maison française d'Oxford en 1966. Lorsqu'il revient à Paris en 1971 pour enseigner à Sciences Po, il garde une attache outre-Manche, comme visiting fellow à Oxford. Toute cette période anglaise est féconde en publications, avec, en 1974, L'Angleterre triomphante et L'Ère victorienne, et surtout La Société anglaise en 1976, un véritable joyau de la nouvelle histoire sociale.
François Bédarida s'est également intéressé aux enjeux de la relation franco-britannique. L'édition scientifique des procès-verbaux des réunions du Conseil suprême interallié de septembre 1939 à avril 1940 donne lieu à un ouvrage magistral : La Stratégie secrète de la Drôle de guerre(1979). C'est toute la période fondamentale des débuts du second conflit mondial qui y est analysée et réinterprétée. Voilà donc un tournant important : Bédarida, sans abandonner ses chères études anglaises, s'implique de plus en plus dans l'écriture de l'histoire de la guerre qui a marqué sa propre jeunesse. Au même moment, en 1978, le C.N.R.S. le charge de fonder l'Institut d'histoire du temps présent (I.H.T.P.) qui prend la suite du Comité d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale créé plus d'un quart de siècle plus tôt par Henri Michel. Il s'entoure de chercheurs de talent pour donner ses lettres de noblesse et une totale légitimité à cette histoire du très contemporain. Le sillon de l'histoire des années 1940 continue d'être creusé, avec un renouvellement complet des problématiques, en particulier sur la France de Vichy et sur la Résistance française. Avec son équipe de l'I.H.T.P., et en codirection avec Jean-Pierre Azéma, il publie de grands ouvrages collectifs qui font date : Le Régime de Vichy et les Français (1992), La France des années noires (1993), 1938-1948. Les années de tourmente : de Munich à Prague (1995). Assumant la fonction d'expert en histoire, il s'investit personnellement et engage son laboratoire dans la lutte contre les « négateurs » du génocide. Sur l'après-1945, il ouvre au sein du laboratoire, avec Jean-Pierre Rioux, de grands chantiers nouveaux : les années Mendès France, les Français et la guerre d'Algérie, la réflexion sur le bon usage des sources orales.
Après son départ de la direction de l'I.H.T.P. en 1990, il est nommé secrétaire général du Comité international des sciences historiques. À ce poste, il confirme son propre rayonnement à l'étranger, ainsi que ses talents d'organisateur (congrès mondiaux des historiens à Montréal en 1995 et[...]
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Écrit par
- Robert FRANK : professeur d'histoire des relations internationales à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Autres références
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TEMPS PRÉSENT, notion de
- Écrit par Olivier LÉVY-DUMOULIN
- 1 372 mots
Quand François Bédarida prend, en 1978, la direction du nouveau laboratoire du CNRS dénommé Institut d'histoire du temps présent (IHTP), la nouvelle histoire dont il est question est d'abord le fruit d'un choix terminologique. Contre l'histoire immédiate qui écrase le temps (Jean Lacouture, in ...