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BILLETDOUX FRANÇOIS (1927-1991)

Né à Paris en 1927, François Billetdoux fut un élève de Charles Dullin et suivit les cours de l'Institut des hautes études cinématographiques avant de travailler, à partir de 1946, à la Radiodiffusion française. Dans l'univers confus du théâtre de l'après-guerre, son œuvre bouscule les règles sans pour autant brouiller le jeu. Dès À la nuit, la nuit (1955), créé au théâtre de l'Œuvre, cette surprise nous déséquilibre. On ne sait trop sur quel pied danser. Tant de légèreté, et tant de mélancolie. Tant de bizarrerie au cœur de la vie. Et puis, brusquement, le voilà sombre, douloureux, les larmes aux yeux, tout à la peine immense et secrète des hommes. Et c'est Tchin-tchin (1959), qui amorce l'ascension avec le sourire aigu, énigmatique, désespéré de Catherine Renn. Expérimentateur né, alchimiste du langage, et pesant toutes les ambiguïtés sur ses balances. Au nihilisme de Beckett, à la noirceur complaisante d'Anouilh, Billetdoux oppose un humanisme désarmé, ironique, qu'une vague espérance éclaire. En vérité, il ne se désole pas : il s'étonne. Ces étonnements que l'humour, point grinçant, presque tendre, prolonge firent le triomphe de Va donc chez Törpe, au Studio des Champs-Élysées en 1961. Et les malentendus commencent. Ils s'accentueront avec Comment va le monde, Môssieu ? Il tourne, Môssieu ! (1964), au théâtre de l'Ambigu, et Il faut passer par les nuages (1964), au Théâtre de France. Tout, ici, est affaire de musique intérieure, de rythme intime, allant parfois jusqu'à l'élaboration de « paroles sans écriture », comme dans Rintru pa trou tar, hin (1971). Billetdoux, en effet, est musicien, musicien avec des mots comme il aurait pu l'être avec des notes. Mais ce n'était déjà plus l'époque, ce qui explique, sans doute, le succès mitigé de Ai-je dit que je suis bossu ? (1980). Il se tut longtemps, comme si quelque chose entre lui et le public s'était rompu. Avec Réveille-toi Philadelphie (1988), mis en scène par Lavelli au théâtre de la Colline, et la publication de son théâtre complet, le fil s'était renoué. Le charme doux amer, et qui est celui des âmes en peine, marque à tout jamais le théâtre de Billetdoux, nous disant en mineur que les hommes et les choses, les passions et les haines, les amours vaincues s'estompent dans le temps, ne laissant en chacun qu'un regret infini.

— Pierre MARCABRU

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