BOUCHER FRANÇOIS (1703-1770)
Un dessinateur exceptionnel
Boucher, enfin, est un dessinateur admirable. Lui-même estimait, à la fin de sa vie, avoir exécuté quelque dix mille dessins ; ce chiffre est peut-être exagéré, mais l'on sait aujourd'hui que dès ses débuts, il multipliait les vignettes à la plume et au lavis : sujets religieux ou historiques pour l'Histoire de France du père Gabriel Daniel, paysages d'Italie, frontispices pour les Figures de différents caractères, copies d'après Sebastiano Ricci ou d'après Abraham Bloemart (dont il gravera lui-même un certain nombre de dessins), et sans doute d'après Watteau. Tout au long de sa carrière, pourtant bien remplie, Boucher donne des dessins d'illustrations à graver : pour les Satyres et autres œuvres de Nicolas Régnier en 1733, pour les Œuvres de Molière en 1734, pour le Spectacle de la nature de l'abbé Pluche en 1735, pour les Tombeaux des princes, des grands capitaines et autres hommes illustres de Owen McSwiny en 1736-1737, pour la Faunillane du comte Tessin en 1741, pour les Mœurs et usages des Turcs de Jean Antoine Guer en 1746, sans compter les planches isolées, les nombreux frontispices, ou des suites comme les Cris de Paris en 1737.
Mais on ne saurait réduire le dessinateur à l'illustrateur. Boucher prépare en effet ses peintures ou ses cartons de tapisserie par de nombreux dessins de détails : on en connaît six, et il dut y en avoir davantage, pour La Lumière du monde, plusieurs pour les tritons et naïades du Lever et du Coucher du soleil, mais aussi des dessins très finis de personnages du Déjeuner ou de la Femme attachant sa jarretière, ou des bergers de La Noble Pastorale. Pour la première fois les études d'un artiste sont si poussées, leur technique si aboutie avec un admirable usage des crayons qui jouent souvent sur des fonds de papiers colorés, que certains des dessins « préparatoires » de Boucher deviennent des œuvres autonomes, voire des dessins « de présentation ». Ils sont montés, mis sous verre, encadrés, accrochés au mur, ce qui était jusqu'alors inconcevable pour des dessins. Avec eux naît la collection de dessins, non plus d'études partielles, d'ébauches, mais de feuilles abouties qu'on ne laisse plus dans des portefeuilles ou dans des boîtes, qu'on vend séparément et non plus en lots, et qui soutiennent la comparaison avec des peintures dont le prix est bien supérieur. Leur succès correspond – à moins qu'il ne les détermine – aux découvertes qui permettent la mise au point de techniques de gravure en manière de crayon, puis en couleurs : Jean Charles François, Demarteau, Jean François Janinet, Louis Marin Bonnet rivalisent à qui imitera le mieux les dessins conservés chez les grands collectionneurs : Blondel d'Azaincourt, Blondel de Gagny, Bergeret, Randon de Boisset, Jullienne, le graveur Gabriel Huquier, et bien d'autres, avec des résultats tels que ces estampes sont, elles aussi, encadrées et accrochées, participant, à leur tour, de la diffusion du « genre Boucher ».
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Écrit par
- Marianne ROLAND MICHEL : docteure en histoire de l'art, directrice de la galerie Cailleux, Paris
Classification
Médias
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