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MALHERBE FRANÇOIS DE (1555-1628)

Le « poète du Louvre »

La vie de Malherbe explique la différence que l'on décèle entre les quelques poésies qu'il compose avant 1605 et tout ce qui est postérieur à cette date. En fait, l'œuvre véritable de Malherbe, celle qui le caractérise et a marqué l'histoire de notre poésie, ce sont les pièces de vers qu'il a composées comme poète de cour, ou, comme on disait plus précisément, comme « poète du Louvre ».

Ce sont, d'abord et avant tout, des odes à sujet politique. Quand le roi part à la tête d'une armée pour rétablir l'ordre en Limousin ou à Sedan, quand Marie de Médicis s'efforce de calmer l'agitation des princes en 1614 ou bien s'en va marier son fils à la fille du roi d'Espagne, quand Richelieu se dispose à écraser les protestants à La Rochelle, Malherbe écrit des odes qui développent la justification de la politique royale et en annoncent d'avance la victoire. Parfois, moins glorieusement, sa tâche consiste à servir, dans quelque sonnet, les amours du roi ou bien ceux de quelque grand seigneur de la cour. Ou bien, quand la régente prépare une de ces fêtes somptueuses qui sont alors en pleine vogue, Malherbe compose une entrée de ballet qui lui permet d'ailleurs de glisser de nouveaux éloges pour la monarchie française.

À cette poésie politique, il convient d'associer étroitement la poésie religieuse. Dans la France de Henri IV et de Marie de Médicis, la religion est liée à l'ordre monarchique. Ce n'est pas tellement le sentiment religieux qui importe, mais l'affirmation d'un ordre.

Ces conditions historiques et concrètes, dans lesquelles s'est créée l'œuvre de Malherbe, en expliquent les caractères. Elles font apparaître l'injustice des reproches qui lui ont été souvent adressés.

On est frappé par l'outrance des éloges que Malherbe fait des grands de ce monde. Leur fausseté gêne le lecteur moderne. On sait trop bien qu'ils n'étaient ni des dieux, ni même des demi-dieux. La monarchie française n'était pas destinée à régner sur Memphis ni sur les régions du Danube. Même outrance, et pour les mêmes motifs, dans l'évocation des événements. La moindre escarmouche sur nos frontières devient une grande bataille où les rivières ont débordé sous la masse des cadavres ennemis. Mais qu'on se garde de reprocher au poète un manque de sincérité. Il obéit à une conception de la poésie qui lui est imposée par la société dans laquelle il vit. S'il ne s'engage pas dans ce qu'il écrit, c'est que la France monarchique ne demande aux poètes ni convictions, ni confidences, mais attend d'eux l'expression éloquente des valeurs qu'elle restaure à grand-peine. Et s'il pratique sans scrupule l'hyperbole la plus extravagante, c'est que les hiérarchies civiles et religieuses veulent subjuguer les esprits et frapper les imaginations. Au surplus, Malherbe était, à sa façon, sincère. Il croyait que l'ordre politique est la plus forte des nécessités, que les rois et les princes peuvent seuls le soutenir. Sa correspondance prouve qu'il a véritablement adhéré à la politique de Henri IV et à celle de Richelieu, qu'il a cru sincèrement que Marie de Médicis incarnait l'ordre et la paix. Son œuvre est une rhétorique, et son temps voulait qu'elle le fût. Mais, sur l'essentiel, c'est une rhétorique au service d'un ordre auquel le poète est attaché.

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Écrit par

  • : professeur honoraire à la faculté des sciences humaines de Paris

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François de Malherbe - crédits : Gamma-Rapho/ Getty Images

François de Malherbe

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