DESPORTES FRANÇOIS (1661-1743)
Il semble que l'apprentissage de François Desportes chez le Flamand Nicasius Bernaerts — installé en France et chargé de décorer la ménagerie de Versailles — ait beaucoup compté. La leçon de son maître, un élève de Snyders, demeura présente tout au long de sa carrière de peintre animalier. Très tôt pourtant, il essaie de se faire un nom dans le genre plus noble du portrait, et passe une année à la cour de Pologne, où il peint le roi Jean Sobieski. Rappelé à la mort du roi, il amorce un changement décisif. Il ne sera jamais un grand portraitiste, il a trop de talentueux concurrents : de Troy, Largillière et Rigaud. Notons cependant le paradoxe de son morceau de réception à l'Académie (1699) comme peintre animalier : un Autoportrait en chasseur (Louvre). Cette sorte d'adieu au genre du portrait affirme haut ses dons brillants : visage attentif, riche velours de l'habit bleu, gibier mort, chiens, paysage de douces collines ; les thèmes nordiques y trouvent un résumé avec ce côté simple, sensualiste, éloigné de l'apparat de ses contemporains.
Une belle carrière commence où les commandes affluent ; le peintre aura du mal à les satisfaire toutes. C'est le roi qui lui commande des tableaux de chasse pour Marly, le Dauphin pour sa galerie de Meudon, le duc d'Orléans pour le château de la Muette. Le style et le genre conviennent bien aux « résidences secondaires » des princes, à ce goût de la nature et de la chasse qui marque — quoi qu'on ait écrit — la sensibilité française sous l'époque classique. Le portrait réapparaît avec une commande de Louis XIV (1702), mais il s'agit des portraits des chiennes préférées de la meute royale. Expressifs et fidèles, ils soulignent l'aristocratie de la race ; ce sont des chiennes de roi ! Intégrant ses œuvres au décor des pièces où elles sont exposées, le peintre se fait une spécialité des tableaux de buffet, arrangements de fruits, de fleurs, de vases ciselés et de gibier comme la Nature morte (1706, musée du Havre) au brillant coloris intégré dans un cadre architectural en trompe l'œil. La nature morte devient une délectation purement sensuelle. Nous sommes loin, ici, de la réflexion grave des maîtres hollandais sur la fragilité des biens terrestres et loin de l'aspect solennel d'un Monnoyer ou d'un Blain de Fontenay. Desportes est un des premiers — sinon le premier en France — à composer un tableau vivant mêlant, dans le décor d'un parc, oiseaux et animaux exotiques aux fruits et aux fleurs (Le Paon et les raisins, 1714, musée de Lyon). Le genre plaît, la réputation du peintre est immense lorsqu'il entreprend un voyage en Angleterre. Pour les riches amateurs, sous la Régence, il exécute de grands tableaux de chasse, pleins de mouvement (Le Débuché du cerf, 1718, musée de Rouen) et souligne la beauté sauvage d'une Chasse aux loups (1725-1726, musée de Reims), vision expressionniste qui dépasse l'art conventionnel d'un suiveur de Snyders ou de Paul de Vos. Il est donc normal qu'on s'adresse à l'ancien collaborateur d'Audran pour renouveler la tapisserie. Il retouche les cartons de Van der Eeckhout consacrés aux Indes puis crée, à partir des mêmes thèmes, la tenture des Nouvelles Indes (1735-1741). Les changements sont nombreux : conception plus décorative, sens heureux de l'exotisme et du pittoresque. Ainsi le Roi porté de l'ancienne tapisserie devient la Négresse portée dans un espace grandi par la composition, ennobli par le luxe des animaux et des décors.
Dans le domaine de la peinture et dans celui de la tapisserie qui lui est de plus en plus subordonné, Desportes conserve un profond attachement à la réalité, même s'il n'en retient que les expressions les plus sensibles, les plus propres à mettre en valeur la matière picturale. « Il s'étoit fait[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre MOUILLESEAUX : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites
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