FURET FRANÇOIS (1927-1997)
S'il est difficile de brosser le portrait de François Furet, un homme qui a dénié toute vertu explicative aux biographies, il est néanmoins possible d'établir quelques jalons dans une vie, réussie dans le domaine professionnel comme dans la sphère de l'opinion publique, et une œuvre représentative de toute une génération d'historiens, consacrées l'une et l'autre par son élection à l'Académie française, le 21 mars 1997, au fauteuil de Michel Debré.
François Furet est né à Paris le 27 mars 1927, dans un milieu bourgeois ; son père, banquier, lié aux grandes familles catholiques du Choletais, publie en 1950 un livre sur l'histoire de Cholet, digne de l'école des Annales. Après des études au lycée Janson-de-Sailly et des activités dans la Résistance, puis des ennuis de santé, François Furet obtient l'agrégation d'histoire en 1954. Se détournant de l'enseignement, il est attaché de recherches au C.N.R.S. dès 1956, entre à la VIe section de l'École pratique des hautes études (par la suite École des hautes études en sciences sociales), comme sous-directeur d'études en 1961, puis est directeur d'études en 1966 et préside cet organisme de 1977 à 1985. Ayant créé l'institut Raymond-Aron, dans la mouvance de l'école, il le dirige jusqu'en 1992. Parallèlement, il intervient dans des universités étrangères, avant d'être professeur permanent à l'université de Chicago à partir de 1982.
Cette réussite professionnelle se double d'une implication durable dans la vie publique française. Militant communiste jusqu'en 1956, il participe à l'élaboration des réformes de l'enseignement supérieur engagées par Edgar Faure après 1968, tient régulièrement des rubriques dans l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur. Cet intérêt pour les interventions au plus haut niveau se poursuit dans la création de la Fondation Saint-Simon (en 1982), lieu de rencontre où des universitaires, des hommes politiques et des responsables économiques envisagent les problèmes de notre époque dans une optique libérale.
Son œuvre est l'écho de cette double orientation. Commencée dans le domaine de l'histoire sociale et économique, sous la tutelle d'Ernest Labrousse, elle s'infléchit vers l'histoire culturelle. Le tournant est attesté par la publication, au milieu des années 1960, d'un livre présentant la Révolution française à un large public, rédigé avec Denis Richet. Contestant les leçons de l'école marxisante liée à Albert Soboul, cet ouvrage insiste sur les « dérapages » précoces de l'évolution politique conduisant vers la Terreur. Considéré comme un intrus dans un domaine spécifique, François Furet tire des années de débats passionnés qui suivent le recueil d'articles Penser la Révolution française, qui donne la clé de son œuvre. Il y dénonce les a priori du « catéchisme révolutionnaire » délivré depuis la Sorbonne (qui le qualifie de « révisionniste »), il instaure une nouvelle historiographie, citant Tocqueville et Cochin, récuse l'idée de la rupture révolutionnaire et estime que la Révolution est terminée, puisque notre société n'est plus orientée par les luttes héritées du xviiie siècle.
Dans une nouvelle série de livres publiés entre 1986 et 1991, il approfondit son analyse des apports de l'historiographie et de la progressive élaboration des concepts marxistes. La Révolution française est ainsi pensée par lui dans sa dimension culturelle et politique, puisque c'est là que s'est opéré, entre 1787 et 1789, le basculement des principes du gouvernement et des références politiques. Il estime que ce qui se produit par la suite relève d'une deuxième révolution, liée à l'action des sociétés de pensée et à l'influence des philosophes utopistes. Ceux-ci enracinent un discours[...]
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Écrit par
- Jean-Clément MARTIN : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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