GÉRARD FRANÇOIS baron (1770-1837)
Peintre d'histoire et portraitiste dont l'activité et la faveur s'étendent de la Révolution à la Restauration, qui lui confère le titre de baron, François Gérard est né à Rome, où son père est l'intendant du cardinal de Bernis, ambassadeur de France auprès du Saint-Siège. Venu à Paris à l'âge de douze ans, il est d'abord l'élève de Pajou et de Brenet, peintre d'histoire, avant d'entrer en 1786 dans l'atelier de David qui vient de s'imposer à toute la génération d'artistes néo-classiques avec Le Serment des Horaces. À l'école de David, Gérard tente le grand genre, la peinture d'histoire ou d'allégorie, mais ses débuts en pleine Révolution sont difficiles : échec au concours pour le prix de Rome, retour en Italie, rentrée à Paris pour éviter l'inscription sur la liste des émigrés. Pour l'illustration d'ouvrages classiques édités par l'imprimeur Didot, il fournit de nombreux dessins, mais, en dépit de l'appui de l'influent David et de l'aide d'Isabey, sa peinture ne réussit pas à remporter le succès. Psyché reçoit le premier baiser de l'Amour (1797, Louvre) est pourtant significative d'une conception intellectuelle de l'art, message teinté d'une grâce anacréontique un peu mièvre. Expression, formes et pâte lisse reflètent ce sentiment propre à l'époque, qualifié d'« érotic-frigidaire ». Entre le didactisme de la vertu et l'éveil du sentiment, c'est toute la tendance littéraire d'une peinture qui se cherche et dont Gérard a fourni deux bons exemples. Témoin d'une mode des Nordiques — dont Bonaparte est un admirateur — l'Ossian évoque les fantômes au son de la harpe sur les bords du Lora (commandé en 1801 pour la Malmaison) conserve le caractère poétique d'une esquisse à la lumière irréelle. Tandis que Corinne au cap Misène (1807, musée de Lyon) mêle à la nature héroïque l'inspiration et la passion du célèbre roman de Mme de Staël. D'autres compositions historiques ou guerrières sont réalisées — jusque sous la Restauration — sans grande vigueur dans la conception ni richesse de facture ; cela est dû en partie aux collaborations. Mieux connue parce que plus nombreuse et plus appréciée, sa peinture de portraits peut être admirée pour sa virtuosité, en particulier grâce à l'étonnante galerie de réductions (appelées « esquisses ») gardées dans l'atelier (actuellement à Versailles). Sens de la nature, symbole de la silhouette bien détachée dans l'espace, lumière légèrement vaporeuse, ces qualités évoquent Prud'hon et l'école anglaise. Avec son premier grand portrait, Isabey et sa fille (1795, Louvre), il a réussi un chef-d'œuvre : la figure est naturelle et élégante, l'espace porte habilement les personnages, le coloris est chaud. Sous l'Empire, Gérard devient le portraitiste de la Cour, familier des impératrices. Certains tableaux vont devenir des modèles de l'iconographie des napoléonides, mais le portraitiste officiel sait exprimer l'émotion romantique (Madame Visconti) ou la pureté florentine (la Comtesse Regnault). Accueillant chez lui les nouveaux artistes (Delacroix), il est un peintre éclectique, sans grande originalité qui n'a pu prendre vraiment aucune des grandes places de la peinture tenues par David pour les sujets d'histoire, par Gros pour les batailles et par Prud'hon et Ingres pour le portrait. Comme sa sensibilité, son talent de peintre est réel, il a le goût de la matière brillante, de la lumière claire et des glacis ; n'a-t-il pas même porté atteinte au sacro-saint principe de la doctrine davidienne : le contour des formes ?
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Écrit par
- Jean-Pierre MOUILLESEAUX : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites
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Média