HARTOG FRANÇOIS (1946- )
Un temps refermé sur lui-même
François Hartog aura surtout innové en introduisant, au cœur de la discipline historique, le concept nouveau de la diversité des régimes d’historicité. Ce concept lui est apparu comme pertinent à partir de ses liens avec l’anthropologie de Marshall Sahlins, et il a donné lieu à un premier article avec l’anthropologue Gérard Lenclud, en 1993. Hartog l’enrichit de sa propre expérience contemporaine, qui traverse la nouvelle conjoncture née après la chute du mur lors de son séjour à Berlin, au début des années 1990. Ce qui lui apparaît est une modification de notre rapport au temps sur le plan symbolique. Il lui semble alors possible d’établir une mise en perspective de 1789 et de 1989, d’où il ressort fortement la part différente qui est dévolue au futur entre ces deux moments. En 1989, on ne peut plus croire en un avenir plein de promesses, alors que les révolutionnaires de 1789 y avaient cru. Mettant ses réflexions en perspective, il fait l’hypothèse d’un basculement de régime d’historicité qui plonge notre société contemporaine dans le présentisme, « soit la fermeture d’un futur futuriste et l’installation d’un présent omniprésent » (Confrontations avec l’histoire). Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps (2003) est devenu incontournable pour quiconque veut réfléchir à notre rapport au temps.
François Hartog met en relation cette prise en compte de l’expérience du temps avec le reflux de l’histoire telle qu’elle s’articulait autour des grands modèles explicatifs, dans lesquels l’agent historique n’avait guère de place. La notion de « régime d’historicité » est contemporaine de cette réintroduction du sujet dans le processus historique. Elle se déploie à partir des deux catégories métahistoriques définies par l’historien Reinhart Koselleck et reprises par François Hartog, celle de « champ d’expérience » et celle d’« horizon d’attente », qui sont une condition de possibilité de l’histoire et ont une portée heuristique. Dans le moment présent au cours duquel le futur se referme sur l’espace d’expérience, l’histoire s’en trouve désorientée. D’où l’intérêt majeur d’une notion comme celle de « régime d’historicité » pour interroger les diverses configurations temporelles en les comparant, pour mieux situer notre temps social présent délesté de toute téléologie.
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Écrit par
- François DOSSE : professeur émérite à l'université Paris-XII, chercheur associé à l'Institut d'histoire du temps présent
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Média
Autres références
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TEMPORALITÉS (histoire)
- Écrit par François HARTOG
- 1 052 mots
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