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HÉRAN FRANÇOIS (1953- )

Un acteur majeur des mutations de la statistique publique des populations

Ces expériences en font l’un des meilleurs connaisseurs de la statistique publique française en matière de population. Observant de l’intérieur et infléchissant la production du chiffre dans des domaines stratégiques, il refond l’enquête Famille et l’échantillon démographique permanent qui accompagnent le recensement de la population. Dans le débat sur les statistiques dites « ethniques », il plaide avec succès pour que la statistique publique puisse décrire les trajectoires migratoires sur deux générations afin d’approfondir l’analyse des inégalités et des discriminations.

L’élection de François Héran au Collège de France consacre le primat de l’enquête comme outil privilégié des sciences sociales empiriques. Cette révolution silencieuse a métamorphosé la production du savoir dans ce domaine par un rapport toujours plus étroit avec les principales institutions de recherche – des organismes souvent situés à la croisée avec des politiques publiques et placés désormais sous le regard et les revendications de la société civile. On peut relire sa trajectoire scientifique comme celle d’un primus inter pares qui, tout en précipitant cette mutation qui a marqué sa génération, s’est efforcé de lui fixer des garde-fous épistémologiques et éthiques dans ses travaux sur les migrations (Le Temps des immigrés, 2007 ; Avec l’immigration, 2017).

D’un point de vue disciplinaire, cette élection signe la fin de la crise traversée par les sciences de la population à la fin du xxe siècle, à l’heure où elles se réorientaient d’un outil placé au service du natalisme d’État à une objectivation des projets individuels et des droits sur lesquels ils s’appuient. De cette mue également, François Héran fut un acteur majeur, en venant diriger et reformater l’INED à un moment où son existence même était remise en cause sous l’effet de polémiques médiatiques sur ses liens supposés avec l’extrême droite.

Entre démographie (Alfred Sauvy) et migrations (Robert Montagne), sociologie (Maurice Halbwachs) et histoire (Louis Chevalier, Emmanuel Le Roy Ladurie), le Collège de France avait continûment consacré une chaire à l’étude scientifique de la population depuis la Libération. Le fait qu’elle soit confiée à François Héran après deux décennies de suspension, et réorientée vers le sujet des migrations, doit être compris comme la volonté, pour les sciences sociales, d’affirmer leur autonomie face à une question politiquement brûlante en France et en Europe.

— Paul-André ROSENTAL

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Média

François Héran - crédits : Patrick Kovarik/ AFP

François Héran