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LARUELLE FRANÇOIS (1937- )

Élaborer une discipline, la non-philosophie, reposant sur un penser hétérogène à celui de la philosophie, mais prenant pour objet la philosophie elle-même : telle est l'ambition de l'œuvre de François Laruelle.

Sa réalisation recoupe, pour les radicaliser, plusieurs philosophies contemporaines. Précisément, la première partie de l'œuvre de François Laruelle (1971-1981), encore philosophique, s'inscrit dans la lignée de celles de Nietzsche, Heidegger, Deleuze et Derrida. Ces quatre auteurs établissent une délimitation critique de l'espace de la métaphysique, en même temps qu'ils élaborent une pensée de la différence capable de se soustraire à cet espace. C'est sous l'impulsion de la problématique de l'identité radicalement humaine de Michel Henry que François Laruelle va rompre, dans Le Principe de minorité (1981), avec ce régime de la différence. De son point de vue, en définitive, celui-ci conforte subtilement la structure invariante du philosopher, le mélange des deux contraires (par exemple du sensible et de l'intelligible), en le pensant comme tel : il manque dès lors l'identité-sans-mélange de l'Un, qui va constituer le premier pilier de la non-philosophie. Loin de désigner une immanence, ou une transcendance excédant la philosophie (et conservant donc un dernier lien avec elle), l'Un tel que le pense François Laruelle constitue un terme radicalement autonome : il ne sollicite aucun rapport, serait-il de rupture ou de refus, avec la philosophie-monde. Laruelle rompt avec le philosopher. Mais cette rupture, pour n'être pas illusoire, doit être la conséquence et la conséquence seulement d'une identité-sans-différence : identité de l'Un qui, ne refusant ou n'acceptant rien en elle-même, détermine l'homme en tant qu'Immanent radical, sans-temps et sans-espace, car sans-philosophie.

Radicalement autonome, ne se mesurant ni à la pensée ni au langage, l'Un n'est pas plus pensable qu'impensable, dicible qu'indicible : il ne pose de lui-même aucun problème. Dès lors, comment la non-philosophie peut-elle se déployer ? Comment naît le penser et de quels objets est-il en droit de se saisir ? Vu la teneur de l'Un, la non-philosophie exige un second pilier qui, puisque le monde s'avère réservé, légitimement, aux mélanges sensible-intelligible du philosopher, ne peut être que la philosophie elle-même : c'est donc elle qui à la fois engendre et nourrit le penser. Mais cet impact occasionnal – non structurant – sur le penser se combine avec un second impact, celui de l'Un. Impact nécessairement à sens unique – l'Un refusant radicalement le mélange – en fonction duquel le penser vise la philosophie elle-même. La non-philosophie saisit donc l'occasion de la philosophie pour s'y rapporter uni-latéralement. Comme si la philosophie enclenchait puis alimentait un moteur, le penser, configuré non-philosophiquement : c'est-à-dire selon l'Un.

La philosophie : l'objet de la non-philosophie est universel en ce qu'il inclut de droit toutes les philosophies, aucune ne disposant aux yeux de l'Un d'un statut particulier, toutes s'offrant donc comme disponibles au travail du penser (Principes de la non-philosophie, 1996 ; Dictionnaire de la non-philosophie, 1998). Un tel travail transforme les langages philosophiques en y déployant l'uni-latéralité : l'Un pourra, par exemple, être décrit comme donné-sans-donation, joui-sans-jouissance (Théorie des Étrangers, 1995), ou comme malheur radical (Éthique de l'étranger, 2000), selon que le matériau philosophique exploité est phénoménologique, lacanien ou kantien, etc. Donnant lieu à des résultats (non-psychanalyse, non-éthique, non-marxisme, etc.) de plus en plus significatifs au fil du développement de l'œuvre de[...]

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Écrit par

  • : ingénieur de l'École nationale supérieure des télécommunications de Paris, coordinateur de la recherche au département Innovation pédagogique

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