FRANÇOIS MANSART. LE GÉNIE DE L'ARCHITECTURE (dir. J.-P. Babelon et C. Mignot)
Alors que jusqu'ici aucun livre de référence n'existait sur François Mansart (mis à part celui de Allan Braham et Peter Smith publié en 1973 en langue anglaise, depuis longtemps épuisé et jamais traduit). La célébration du quatrième centenaire de la naissance de l'architecte a mobilisé historiens et jeunes chercheurs et les a réunis autour de Jean-Pierre Babelon et de Claude Mignot pour la conception d'un beau livre qui est beaucoup plus qu'un hommage ou un livre catalogue.
Les éditions Gallimard ont publié François Mansart. Le génie de l'architecture (Paris, 1998) sous la direction de Jean-Pierre Babelon et de Claude Mignot, fournissant la première étude d'ensemble en français sur l'architecte. L'ouvrage réunit trois livres en un puisqu'il se compose de trois parties : une synthèse magistrale dessinant un portrait de l'artiste, suivie d'une étude analytique des œuvres (39 notices confiées à une équipe de chercheurs) qui renouvelle sur bien des points la connaissance qu'on en avait. Enfin, la troisième partie est un dossier Mansart avec catalogue des dessins (présenté par Allan Braham), tous reproduits en couleur (c'est une première), transcription de devis et marchés types et toutes les commodités que l'on peut attendre d'une étude scientifique : chronologie, tableaux des artisans et des « patrons » de Mansart, dossier des attributions pendantes ou rejetées, bibliographie et index.
Mansart est d'abord un mythe, comme le rappelle opportunément Jean-Pierre Babelon qui dresse sa fortune critique : l'homme des chantiers interminables, l'éternel insatisfait qui passait pour ruiner ses commanditaires. Plus encore que le portrait gravé qui révèle sans doute un solitaire habité par son génie, il y a l'élégant dont la garde-robe trahit les goûts raffinés, l'homme d'affaires avisé qui laisse à ses petits-neveux une fortune de près de 400 000 livres. Un personnage complexe, difficile à saisir, qui a fasciné nombre de ses contemporains prêts à débourser des sommes très importantes pour obtenir un projet de sa main. Soit « un contemporain des mousquetaires, des frondeurs et des précieuses de Tallemant des Réaux, plus que des courtisans de Saint-Simon... La ferveur mystique et l'ardeur belliqueuse, les raffinements de la conversation et la franchise des mœurs entretiennent des rapports secrets avec son architecture libre et raffinée » selon Claude Mignot qui, avant d'étudier l'œuvre, procède aussi à une relecture attentive de sa biographie pour mieux comprendre l'art du « plus galant de nos architectes ». L'homme et l'artiste en sortent plus vivants : l'« héritier » d'abord. Issu d'un milieu de maçons, de charpentiers, de sculpteurs et de peintres où Mignot voit une sorte de famille idéale qui couvre tous les métiers du bâtiment et explique qu'il sera capable très jeune d'assumer de lourdes responsabilités (pour son oncle Marcel Le Roy, il dirige le chantier du pont de Toulouse, 1618), et saura pousser les projets jusqu'au dessin du « second œuvre » (décor intérieur : lambris, ornements et même sculpture statuaire).
La culture de Mansart n'est pas facile à cerner : on connaît maintenant le rôle de son beau-frère, le sculpteur Germain Gauthier, neveu de Germain Pilon, nourri de culture bellifontaine. Plus encore, la lecture de ses œuvres témoigne d'un dialogue avec les maîtres de la Renaissance : Pierre Lescot (cour Carrée du Louvre), Philibert Delorme (château des Tuileries) et, plus près de lui, Salomon de Brosse (palais du Luxembourg, château de Blérancourt et façade de l'église Saint-Gervais), expériences capitales pour un artiste qui ne s'est pas rendu en Italie.
Cette culture lui ouvre la frange la plus raffinée de l'élite parisienne[...]
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Écrit par
- Bruno TOLLON : professeur d'histoire de l'art moderne à l'université de Toulouse-Le Mirail
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