MAURIAC FRANÇOIS (1885-1970)
Mauriac est sans conteste l'un des plus importants romanciers français du xxe siècle. Son domaine est limité. Le décor, les personnages, les thèmes, les procédés (rétrospection, monologue intérieur) varient peu d'un livre à l'autre. Il est essentiellement le peintre de la province française, des combats entre la chair et l'esprit, entre la sensualité de tout jeunes hommes, ou de femmes mûres et insatisfaites, et l'attrait de la religion pour les cœurs inquiets et blessés. Il s'est posé dans divers ouvrages de critique et dans son Journal bien des problèmes qui tourmentent le romancier catholique, soucieux de ne rien dissimuler de la vérité et des séductions du péché. Ses livres sont remarquables par la création d'une atmosphère fiévreuse, par leur tension tragique et surtout par leur poésie.
Poète, il le demeura dans l'écrit politique qui, après 1945, devint progressivement sa préoccupation majeure et l'expression d'un engagement que la mort seule arrêta. Il possédait le don de capter l'événement pour le transposer de l'éphémère évanescent, qui est son milieu propre, dans l'éternel et situer le relatif dans le sillage de l'absolu. Il restitue l'actualité intégrée dans la durée du poème sous la double optique de la tendresse de l'homme et de l'espérance de Dieu.
L'adieu à l'adolescence
Né à Bordeaux, François Mauriac est resté attaché à cette ville, dont il a dépeint la bourgeoisie sans indulgence. La plupart de ses romans sont placés dans ce décor de province, étroit, oppressant, parmi des gens soupçonneux et férocement attachés à leurs possessions et à leurs traditions. Pour Mauriac comme pour Balzac, il n'y a qu'en province que l'on sache bien haïr, et peut-être aussi aimer. Il a d'ailleurs grossi, par l'imagination ou le souvenir, et les passions de ses personnages, et les angoisses de malheureuses femmes de la province négligées par leurs maris, et la sensualité qui se dégage des étés brûlants, des pins des Landes assoiffées, des tilleuls et des lilas odoriférants des jardins solitaires. Mais ses meilleurs romans doivent une partie de leur force de suggestion à ces vignettes poétiques par lesquelles la nature sans cesse influe sur les personnages.
Sa sensibilité très vive fut accrue par la perte de son père, mort comme celui de Gide avant qu'il eût atteint sa dixième année. La mère, laissée veuve avec cinq enfants (le futur romancier était le dernier), dut les élever avec quelque sévérité ; elle était fort pieuse, et le tableau que le romancier a souvent tracé de son enfance est austère. Il a parlé de son « éducation janséniste », sans qu'il ait aimé beaucoup le jansénisme plus tard. Il en connut surtout les Pensées de Pascal, mais y regretta un abus de rationalisme dans les choses de la foi. Il fut élevé d'abord par les Frères maristes, puis au lycée. Se sentant, en raison de sa sensibilité, qui le rendait très vulnérable, mal armé pour la vie active, il songeait surtout à étudier le passé (il prépara à Paris l'École des chartes) et à s'exprimer par la plume.
À Paris, il découvrit avec exaltation la liberté de la vie de l'esprit, mais aussi combien était grande, comme elle le sera chez ses personnages, la nostalgie de la petite patrie familiale et provinciale abandonnée. « Chaque écrivain venu de sa province à Paris est une Emma Bovary évadée », s'écria-t-il. Il a, après sa cinquantième année, prodigué les confidences sur sa jeunesse, dans Commencements d'une vie (1932), Mémoires intérieurs (1959 et 1965), Le Jeune Homme (1926), La Province (1926), Bordeaux (1926). Mais c'est dans ses romans qu'avec la liberté procurée par la fiction, plus vraie que le vrai, il s'est le mieux révélé. Longtemps, l'adolescent gauche, rêveur, tourmenté à[...]
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Écrit par
- Henri PEYRE : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université Yale, Connecticut, États-Unis
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