MITTERRAND FRANÇOIS (1916-1996)
La conquête du pouvoir
Sa stratégie de conquête du pouvoir s'est appuyée sur trois piliers. D'abord l'utilisation des institutions et particulièrement de l'élection présidentielle – « ces institutions n'ont pas été faites à mon intention mais elles sont bien faites pour moi », déclare-t-il à la veille de l'élection de 1981. Candidat de la gauche en 1965 et 1974, il a conduit celle-ci à s'adapter aux nouvelles institutions. Deuxième pilier, l'alliance avec le Parti communiste, indispensable à ses yeux pour amener les socialistes au pouvoir dans un système politique qui favorise la bipolarisation des forces politiques, estimant que l'alliance des centres est une stratégie perdante contre la double opposition des gaullistes et des communistes. « Pour reprendre aux communistes le terrain perdu, il fallait s'ancrer à gauche, tandis qu'aller vers le centre revenait à leur abandonner ce terrain et à leur laisser le monopole de l'authenticité », expliquera-t-il plus tard. Il construit ainsi l'Union de la gauche entre 1965 et 1968 et il la reconstruit, en 1972, après son accession à la direction du Parti socialiste, sous la forme d'un programme commun de gouvernement. L'Union « froide » avec les communistes est scellée. Elle ne résistera pas longtemps à la modification du rapport des forces qui se produit alors à l'avantage des socialistes. En 1977, le programme commun est déclaré forclos. Mais la stratégie mitterrandienne a encore suffisamment d'énergie acquise pour permettre à son auteur de remporter l'élection présidentielle de 1981.
Enfin le troisième pilier est la conquête du Parti socialiste après la faillite, en 1969, de la SFIO. Le congrès d'Épinay, en 1971, qui voit la défaite de Guy Mollet et l'accession de François Mitterrand au premier secrétariat du Parti socialiste, marque un tournant majeur dans l'histoire du socialisme français et, plus largement, de la gauche française. À ce parti, son nouveau leader donne dès le départ un objectif central : la conquête puis l'exercice du pouvoir.
L'autre élément qui donne son unité au parcours mitterrandien est du domaine des valeurs : son mépris, tiré de son milieu d'origine de petite bourgeoisie provinciale catholique de la Charente (il naît à Jarnac le 26 octobre 1916), pour les hiérarchies fondées sur l'argent, sa haine des « féodalités financières » et des « monopoles ». François Mitterrand a pu flirter dans sa prime jeunesse avec une extrême droite antilibérale puis collaborer un temps avec une Révolution nationale elle aussi antilibérale. Mais il n'aime pas les droites conservatrices. L'année 1953, où il quitte le gouvernement de René Laniel et prend la direction de son parti, l'UDSR, sur une ligne de gauche, marque de manière claire et définitive son passage à gauche – il participera aux gouvernements Mendès France en 1954 et Mollet en 1956. Ce passage, toutefois, ne constitue pas une rupture totale avec les valeurs de son milieu d'origine. La tonalité anticapitaliste du programme commun et son vaste programme de nationalisations puis les mesures des gouvernements Mauroy en 1981 et 1982, notamment la nationalisation des banques et les nombreuses mesures sociales, ne le gênent pas, bien au contraire. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles il ne favorisera jamais une véritable révision doctrinale au Parti socialiste et hésitera longtemps à assumer, entre 1982 et 1983, le tournant de la rigueur et l'abandon d'un certain volontarisme politique.
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Écrit par
- Gérard GRUNBERG : directeur de recherche au C.N.R.S.
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