MOREL FRANÇOIS (1926-2018)
Compositeur, pianiste, chef d'orchestre et pédagogue, le Québécois François Morel, né à Montréal le 14 mars 1926, entre en 1944 au Conservatoire de musique et d’art dramatique de la province de Québec à Montréal, où il étudie notamment avec Germaine Malépart (piano), Isabelle Delorme (harmonie, fugue et contrepoint) et Claude Champagne (composition). En 1953, son cursus achevé, il décide de rester au Québec, contrairement à beaucoup de compositeurs canadiens qui se rendirent à Paris afin de continuer leurs études, sous la houlette d'Olivier Messiaen ou de Nadia Boulanger : Pierre Mercure, Serge Garant, Roger Matton, Clermont Pépin...
Avec Serge Garant et Gilles Tremblay, Morel organise le 1er mai 1954 au Conservatoire de Montréal un concert mémorable d’œuvres de Webern, Messiaen, Boulez et d'eux-mêmes, concert qui déclenche une violente réaction de rejet de la part du milieu musical montréalais. Deux années plus tard, Morel est cofondateur du groupe Musique de notre temps, voué à la promotion de la musique contemporaine, et qui sera à l’origine de la Société de musique contemporaine du Québec, créée en 1966. En 1979, Morel participe à la fondation des Éditions Québec-Musique (qui seront absorbées par l'éditeur québécois Doberman-Yppan). Il a, de 1979 à 1997, enseigné l’analyse musicale, la composition et l’orchestration à la faculté de musique de l’université Laval à Québec.
Dans son catalogue, restreint, la musique instrumentale est prépondérante. Écrivant et évoluant lentement, se remettant sans cesse en question, Morel se distingue tout autant par ses choix esthétiques en marge des idéologies musicales dominantes ; ainsi rejette-t-il le minimalisme, la musique répétitive ou la musique spectrale, poursuivant son propre idéal esthétique, défini, selon ses dires, comme une « musique classique du xxe siècle » ou encore comme une « musique de concert de tradition occidentale ».
Sa première période est marquée par Debussy, Ravel, Stravinski, Bartók, Varèse – avec lequel il a eu des échanges décisifs en 1958, à New York – et Messiaen : Esquisse, pour orchestre (1947), est ainsi inspirée des recherches sur le timbre du Debussy des Nocturnes (et plus précisément de Nuages) ; Ravel est son modèle – quant à la réflexion harmonique et au traitement mélodique – pour ses Quatre Chants japonais, pour voix et piano (1949) ; les rythmes de Stravinski et de Bartók impulsent son Premier Quatuor à cordes (1952) ; Antiphonie, pour orchestre (1953), est traité dans un style modal qui doit beaucoup à Messiaen ; Varèse et Stravinski sont au cœur de ses recherches orchestrales dans Rituel de l'espace (1959). Cette dernière œuvre, pour grand orchestre, recèle divers traits qui sont chers au compositeur : l'univers sonore des percussions, l'importance accordée aux vents, l'ambivalence harmonique, obtenue grâce à un emploi particulier de la modalité, l’attachement à des formes « classiques » (ici, le rondo), la fascination pour la spatialisation du timbre orchestral – dans laquelle il perçoit, à l'instar de Varèse, une transmutation constante de la densité sonore –, sa passion pour la recherche rythmique.
C’est en 1962, avec L'Étoile noire, pour orchestre, que François Morel aborde une nouvelle période dans sa démarche compositionnelle, avec l'emploi de la série comme principe ordonnateur de l’œuvre. Jamais cependant il ne sacrifiera à la généralisation du principe sériel, telle que Boulez et Stockhausen la mettront en pratique en ces années. Son Quintette pour cuivres (1962) est ainsi construit à partir d'une série de douze sons mais se rattache plus au total chromatique qu'à la technique sérielle proprement dite ; de plus, Morel introduit à deux reprises dans cette page des possibilités d'improvisation collective (au sein d'une cadence[...]
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Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
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