OZON FRANÇOIS (1967- )
Avec ses films brillants et souvent spectaculaires, François Ozon est un cinéaste prolifique et très reconnu à l'étranger. En France, il plaît ou agace mais ne laisse jamais indifférent. Si ses goûts hétéroclites lui ont permis de s'affirmer comme un auteur éclectique, il a été aussi fortement influencé par Claude Chabrol et François Truffaut.
Né le 15 novembre 1967 à Paris, François Ozon intègre la FEMIS en 1990 après une maîtrise de cinéma à l'université de Paris-I et une trentaine de films tournés en super 8. Très vite, il réalise de nombreux courts-métrages remarqués dans les festivals. Au début de sa carrière, il aime choquer (Regarde la mer, 1997 ; Sitcom, 1998 ; Gouttes d'eau sur pierres brûlantes, 2000). Puis, progressivement, il préfère travailler l'ambivalence (Sous le sable, 2001 ; Swimming Pool, 2003 ; Dans la maison, 2012 ; Frantz, 2016). Cet excellent directeur d'actrices qui orchestre le show dramatique de Huit Femmes (2002) aime filmer l'évolution d'un personnage effectuant un cheminement intérieur alors qu’il se trouve impliqué dans de violents conflits. Artifice et stylisation permettent au metteur en scène de faire paradoxalement émerger la vérité de héros fragiles projetés dans un contexte volontiers somptueux, voire esthétisant.
Des films pièges
Fidèle au film psychologique, François Ozon fait néanmoins dériver le genre vers des rivages incertains. Ainsi, après Une robe d'été (1996), court-métrage jouant avec audace la carte de l'indécision sexuelle sur l'air du « Bang-Bang » de Sheila, Ozon réalise Regarde la mer dans l'esprit de Roman Polanski, travaillant la durée en jouant d'une sensibilité exacerbée par le soleil et le sel marin qui font monter le désir de la protagoniste, alors que son bébé est laissé aux « bons soins » d'une routarde aux goûts vampiriques. Le gore l'emporte ensuite dans son pastiche du Sitcom et du feuilleton « de jeunes » (Les Amants criminels, 1999). Une autre influence est celle d'Almodóvar, notamment dans Gouttes d'eau sur pierres brûlantes, adaptation d'une des premières pièces de R. W. Fassbinder, dure, systématique, mais traversée de traits d'humour féroces soulignés par un style agressif qui insiste sur la médiocrité humaine.
François Ozon sait aussi prendre les choses à revers et en douceur. Sous le sable sape les fondements de l'existence en déséquilibrant le bonheur d'une femme comblée, brutalement confrontée à l’absence. Marie (Charlotte Rampling) refuse la mort de son époux disparu, glissant de la dépression à la folie par un lent mouvement irréversible. Ozon inquiète à partir des choses les plus quotidiennes, en maintenant une attente née d'une fascination du banal qui tourne à l'obsession morbide.
Mais avec près de 4 millions d’entrées, le plus grand succès public d’Ozon reste Huit Femmes où chacune des vedettes féminines interprète une chanson. On y savoure donc le surjeu (Isabelle Huppert) ou son contraire (Catherine Deneuve) dans un huis clos scénique au décor digne de l’émission télévisée « Au théâtre ce soir », où se déroule un gigantesque et drolatique règlement de compte. Le metteur en scène retrouvera cet esprit avec Potiche (2010), adaptation de la pièce de Barillet et Grédy, avec à nouveau Catherine Deneuve au casting.
Dans Swimming Pool, cependant, le vernis du cliché se craquelle. Est-ce Sarah Morton (Charlotte Rampling), la romancière anglaise sèche et moraliste, qui se met à fantasmer en scrutant les agissements de la jeune Julie (Ludivine Sagnier) ou bien est-ce le récitqu’elle est en train d’écrire qui la prend à son propre jeu ?Ce moment d'indécision difficile à situer fait tout le prix du film : quelle place, ici, donner au réel et à l’imaginaire ? À l’opposé de ces fissures creusant[...]
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Écrit par
- René PRÉDAL : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen
Classification
Médias
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