POULAIN DE LA BARRE FRANÇOIS (1647-1723)
Philosophe et linguiste français, François Poulain de la Barre est essentiellement connu pour ses trois traités féministes d’inspiration cartésienne : De l’égalité des deux sexes (1673) ; De l’éducation des dames (1674) ; De l’excellence des hommes (1675).
Les renseignements biographiques sur Poulain sont épars et rares. Né en 1647 dans une famille d’hommes de loi parisienne, il est étudiant en théologie à la Sorbonne et destiné à la prêtrise. Mais il aurait assisté à des conférences données en ville par des cartésiens – alors largement exclus des enseignements universitaires en France – ou à l’académie de Richesource, et se serait définitivement éloigné de la philosophiescolastique. Il abandonne ses études vers 1666, sortant bachelier, mais non docteur, de la faculté de théologie de l’université de Paris. Il se tourne un temps vers les langues et écrit Les Rapports de la langue latine avec la françoise (1672). Puis il publie consécutivement ses trois traités philosophiques sur l’égalité des sexes. Il devient ensuite curé dans deux petites paroisses de Picardie, d’abord à La Flamengrie en 1680 puis à Versigny en 1685. Dès cette époque, l’orthodoxie de sa doctrine est sans doute sujette à caution. Il renonce en tout cas à ce bénéfice en 1688 et rejoint Genève, où il épouse Marie Ravier en 1690 et demeurera jusqu’à sa mort. Il exerce la profession d’enseignant au collège de Genève, et rédige alors un nouvel ouvrage sur la langue : Essai des remarques particulières sur la langue françoise pour la ville de Genève (1691). Il attend longtemps son statut de bourgeois genevois et ne l’obtient qu’en 1716, en raison des accusations de socinianisme (négation du dogme de la Trinité) portées contre lui. Il meurt le 4 juin 1723 à Genève.
Un lecteur de Descartes
Ainsi, toute sa vie durant, Poulain aura refusé les arguments et les comportements dictés par l’autorité et construit son existence par une série de ruptures : rupture avec la philosophie dominante, rupture avec les préjugés sur les femmes, rupture avec sa religion d’origine.
L’œuvre féministe de Poulain de la Barre constitue un moment essentiel dans l’histoire de la philosophie et dans celle du féminisme. Tout d’abord parce que, comme le rappelle le titre de son premier ouvrage de 1673 sur cette question, il prône l’égalité entre femmes et hommes. Ce point est important car il faut se souvenir qu’une majorité d’écrits philogynes depuis le Moyen âge s’appuient au contraire sur l’idée d’une supériorité des femmes sur les hommes. L’égalité n’est pas un concept allant de soi dans une société d’ordre et de corps comme celle de l’Ancien Régime en France, a fortiori quand il est censé s’appliquer aux deux sexes. Et, si cette idée a déjà été défendue de manière remarquable par Marie de Gournay dans un court écrit polémique de 1622, Égalité des hommes et des femmes, Poulain propose un tout autre type de démonstration pour étayer son propos. Il s’appuie en effet sur l’anthropologie et la métaphysique cartésiennes pour mettre en évidence cette égalité des deux sexes. La distinction nette effectuée par Descartes entre corps et esprit permet d’affirmer que « l’esprit n’a point de sexe ». Il n’y a donc nulle raison de refuser aux femmes les mêmes capacités intellectuelles et morales que celles des hommes. Poulain examine parallèlement les éventuelles différences corporelles entre les sexes : elles se réduisent aux seuls organes génitaux, toutes les autres différences étant construites socialement. Là aussi donc, l’auteur nie toute inégalité substantielle selon le sexe.
L’égalité psycho-physiologique ayant été philosophiquement prouvée, il propose dans l’ouvrage suivant, De l’éducation des dames, un programme pédagogique pour l’instruction des femmes. Il vise à ouvrir l’ensemble[...]
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Écrit par
- Marie-Frédérique PELLEGRIN : maître de conférences habilitée à diriger des recherches, faculté de philosophie, université Jean-Moulin Lyon-III
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