QUESNAY FRANÇOIS (1694-1774)
Économiste français, fondateur de la première école systématique d'économie politique, F. Quesnay, reçu docteur en médecine en 1744 puis médecin consultant de Louis XV, ne publia aucun ouvrage avant l'âge de soixante ans ; il produisit d'ailleurs essentiellement des articles anonymes. Mais, à Versailles, où il bénéficiait du soutien de Mme de Pompadour, on trouvait autour de lui et de Jean C. M. V. de Gournay (1712-1759) la « secte des économistes », qui comprenait notamment Victor Riquetti de Mirabeau, Nicolas Baudeau, P. P. Le Mercier de La Rivière, G. F. Le Trosne et P. S. Dupont de Nemours ; ils considéraient Quesnay comme leur maître, et, enthousiastes, propageaient ses doctrines. Turgot faisait aussi partie du groupe. Adam Smith fit la connaissance de Quesnay et tenait ses idées en grande estime.
En dépit des particularités de son expression et bien qu'il accordât une extrême importance à l'agriculture dont il faisait l'unique activité économiquement productive, créatrice d'un « produit net », par opposition à la « stérilité » de l'industrie et du commerce, Quesnay a fourni d'intéressantes contributions à la pensée économique et surtout à la systématisation de l'analyse économique, qui introduisit la période classique en Angleterre et en France. Son unique prédécesseur en cette matière fut Richard Cantillon, auteur de l'Essai sur la nature du commerce (1755). Le système de Quesnay se trouve résumé dans son Tableau économique (1758), qui présentait schématiquement l'interdépendance entre les différentes classes, les différents secteurs économiques et l'échange des paiements, et qui exposait l'hypothèse d'un état d'équilibre économique stationnaire, concept fondamental à partir duquel se développa en grande partie l'analyse économique ultérieure. L'analyse de l'équilibre général par Léon Walras et l'analyse de l'input-output de la science économique moderne qui est proposée par W. W. Leontief découlent, en effet, du Tableau de Quesnay. Particulièrement importante est l'analyse que fit celui-ci du capital en tant qu'« avances », ou réserves de biens qui devraient être accumulées antérieurement à la production, ainsi que sa classification de ces « avances », qui permet de différencier le capital fixe du capital mobile. L'analyse que donne Quesnay de l'épargne en tant que pouvant être nuisible — car, si elle n'est pas investie, elle peut modifier l'équilibre de la circulation des paiements — est proche de celle de Keynes. Cependant, ces idées sur l'épargne furent pendant un siècle supplantées, dans la pensée économique orthodoxe, par la théorie de Turgot et de Smith, selon laquelle l'épargne est inconditionnellement salutaire.
La méthodologie de Quesnay et les principes de sa politique trouvèrent leur source dans une forme extrême de la doctrine du droit naturel qui le poussa à proclamer qu'en matière d'économie le « laisser-faire » et l'impôt unique sur le revenu net sur la propriété représentaient l'ordre économique instauré par Dieu. Quesnay est, en fait, à l'origine des doctrines du xixe siècle sur l'harmonie des intérêts de classe, ainsi que de la doctrine apparentée selon laquelle la libre concurrence procure le maximum de bien-être social. Il développa également la méthode a priori, souvent employée par la suite, pour tenter de démontrer ces doctrines. En politique, il s'élevait contre les monopoles et le privilège et préconisait un gouvernement fort, fondé sur une monarchie puissante.
Ses Œuvres économiques et politiques furent éditées par A. Oncken en 1888.
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