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RABELAIS FRANÇOIS (1483 env.-1553)

L'homme de bonne volonté

Que reste-t-il alors ? À l'homme qui cherche sa voie, comme Pantagruel et ses compagnons, il reste des biens internes, la foi et la sagesse.

Croire ou ne pas croire, telle est la question. Non pas que Rabelais soit tenté par l'athéisme ou par l'hérésie. L'auteur du Gargantua ou du Quart Livre a d'abord été présenté comme un esprit fort, qui se moquerait des faits miraculeux. Mais, replacées dans le contexte contemporain, la plupart de ces facéties semblent aussi inoffensives que les plaisanteries en usage dans les milieux ecclésiastiques. Certains critiques avaient comparé ces allusions au miracle avec les idées des philosophes padouans, Pomponazzi et Cardan, en interprétant les unes et les autres dans une perspective rationaliste. Or il apparaît que Rabelais se moque surtout de la multiplication superstitieuse de ces croyances, sans prétendre expliquer le miracle par une cause naturelle. Quant à l'hérésie protestante, il partage certes l'indignation des réformés devant certains abus de l'Église. Les escales chez les Papimanes ou à l'île Sonnante ne déplairaient pas à un protestant. Comme eux, il s'indigne de tant et tant d'intermédiaires interposés par la superstition entre le croyant et son Dieu, et voit dans la cohorte des saints catholiques un reste de paganisme. Comme eux, il lit et cite la Bible. Mais ces analogies ne suffisent en aucune façon à en faire un réformé, même si l'âpreté de la satire dans le Cinquiesme Livre a parfois incité la critique à considérer ce roman comme l'œuvre d'un protestant. La thèse de l'influence protestante ne résiste pas à l'usage de critères plus précis, la notion de mérite et de bonnes œuvres, la doctrine du serf arbitre, le problème des sacrements, ou un emploi déterminé de certains passages de saint Paul.

À la lumière des travaux récents, Rabelais est maintenant considéré comme un de ces catholiques attristés par les abus de l'Église contemporaine, l'absence de vocation dans le clergé, l'ignorance des moines, et qui ont cherché à y remédier en revenant aux textes sacrés et à une foi moins superficielle. Ce courant de pensée, l'évangélisme, se caractérise notamment par la lecture de la Bible, source d'une foi vive, par opposition aux rites et à une pratique somnolente de la prière. On sait l'ardeur avec laquelle un Érasme ou un Lefèvre d'Étaples ont essayé de rendre les textes sacrés plus fiables et plus accessibles. Ce travail philologique est pour les évangéliques un des moyens de revenir aux origines du christianisme, avant toute tradition élaborée par les hommes. Ils ont la nostalgie d'une foi épurée, qui ne s'embarrasse pas de pratiques formelles, et qui soit dialogue de l'âme avec le Créateur. Or l'influence d'Érasme sur la pensée de Rabelais est accréditée non seulement par de nombreuses analogies, mais aussi par une lettre datée de novembre 1532. Rabelais s'adresse à son maître, et le reconnaît comme son père spirituel. Ainsi s'expliquent, d'une part, les railleries de Rabelais envers les abus de l'Église contemporaine et, d'autre part, dans le domaine de la foi, ses réticences envers les messes innombrables, les chapelets, les pèlerinages, toutes manifestations d'un formalisme desséché.

C'est dans cette perspective que la critique a pu retracer l'évolution religieuse de Rabelais. Lorsque paraît le Pantagruel, en 1532, il n'est pas dangereux d'adhérer aux thèses des évangéliques, ces catholiques réformistes, car François Ier leur est favorable. Comme Érasme, Rabelais ne se prive donc pas de critiquer l'Église contemporaine, ses moines fainéants ou ses papes trop épris du pouvoir temporel. Même vigueur dans le Gargantua, où Thélème, ce couvent à l'envers,[...]

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Rabelais - crédits : Spencer Arnold/ Hulton Archive/ Getty Images

Rabelais

Gargantua, F. Rabelais - crédits : De Agostini/ Getty Images

Gargantua, F. Rabelais

Autres références

  • PANTAGRUEL, François Rabelais - Fiche de lecture

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    • 1 484 mots

      C’est probablement à l’occasion de la foire de Lyon, en novembre 1532, que paraît chez l’imprimeur Claude Nourry le premier roman de François Rabelais (1483 env.-1553), Pantagruel, avec pour sous-titre complet : Les horribles et épouvantables faits et prouesses du très renommé Pantagruel,...

  • CONSCIENCE (notions de base)

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    Lequel d’entre nous, enfant, traversant la rue sans regarder ou sautant du haut d’un arbre, n’a jamais été accusé d’être « inconscient » ? Nos parents ou nos éducateurs voulaient nous faire comprendre par là que nous étions aveugles au danger, que nous manquions de lucidité et de la plus élémentaire...

  • ÉROTISME

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    ...comme un auteur scandaleux de sonnets licencieux (ou Raggionamenti, 1536). Il achèvera une vie fastueuse et libertine à Venise. Ou son contemporain, François Rabelais (1483 ?-1553), qui possède une dimension littéraire supérieure. Censuré en Sorbonne, en 1533, pour Pantagruel, contraint à la fuite...
  • FEBVRE LUCIEN (1878-1956)

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    ...à partir d’un problème qu’il estime mal ou insuffisamment posé et qu’il s’efforce de reprendre de manière critique. C’est le cas notamment de « l’athéisme » présupposé de Rabelais, suggéré notamment par son biographe Abel Lefranc, que Febvre estime être une projection anachronique du présent...
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    Connu sous les divers pseudonymes de Merlino Coccajo, Merlin Coccaie, par lequel le désigne Rabelais, ou Limerno Pitocco, c'est-à-dire « le Gueux », Folengo est une des figures les plus représentatives et l'un des écrivains les mieux doués de son époque. Né à Mantoue, bénédictin à vingt ans, Teofilo...

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