VILLON FRANÇOIS (1431-apr. 1463)
Celui qui, du Lais au Testament, a tout dispersé, ses biens fictifs et sa personne, celui qui n'avait rien d'un père mais se voulait un fils, un enfant, « un pauvre petit écolier » (Le Testament, « Épitaphe et rondeau »), est érigé depuis Boileau en père de la poésie française : « Villon sut le premier, dans ces siècles grossiers / Débrouiller l'art confus de nos vieux romanciers » (Art poétique). Tour ironique du destin, signature du génie. L'œuvre de François Villon, sa renommée littéraire ne manquent pas de tels paradoxes.
« Et ne sait comment on me nomme »
Villon, c'est d'abord un nom que nous livre une œuvre courte et dense en des points stratégiques : l'ouverture et la clôture des textes. Ainsi du Lais encadré entre un « Je, Françoys Villon, écolier » et un « Fait au temps de la dite date / Par le bien renommé Villon ». Ainsi du Testament qui s'achève par : « Ici se clôt le testament / Et finit du pauvre Villon » (« Ballade finale »). Ainsi d'un certain nombre de ballades qui offrent dans leur refrain, ou affichent en acrostiche, le nom Villon : « Par mon conseil prends tout en gré, Villon ! » de la Ballade de fortune, « Le laisserez là, le pauvre Villon ? » de l'Épître à ses amis ; signature verticale de la Ballade des contre-vérités, de la Ballade de bon conseil, du Débat de Villon et de son cœur, par exemple. Villon, dans tous les sens.
Un nom, mais aussi des noms que nous fournissent des documents, de deux ordres essentiellement : les archives de l'université de Paris et celles de la justice. Villon, c'est alors « François de Montcorbier, Parisien », du registre de la nation de France, c'est « maistre François des Loges, autrement dit de Villon » et « Françoys de Monterbier, maistre es ars » des lettres de rémission accordées par le roi Charles VII en janvier 1455 et janvier 1456 ; c'est aussi Michel Mouton, surnom sous lequel François Villon se fait panser après la rixe dans laquelle il tue le prêtre Philippe Sermoise. Les archives nous permettent en effet de suivre François Villon dans une série d'affaires pendables : meurtre de Philippe Sermoise le 5 juin 1455, et fuite ; retour à Paris après l'obtention des lettres de rémission de janvier 1456 ; vol avec effraction au collège de Navarre la nuit de Noël de cette même année, et nouveau départ. Villon date de ce moment Le Lais. Durant l'été de 1461, il est en prison à Meung-sur-Loire, sous l'autorité de l'évêque d'Orléans, Thibaut d'Aussigny. Il en sort le 2 octobre grâce à la joyeuse entrée de Louis XI dans la ville. Il date de cette époque Le Testament. Entre-temps, il est sans doute allé à Blois à la cour de Charles d'Orléans. On trouve de lui trois pièces, dont la ballade sur le thème lancé par Charles : « Je meurs de soif auprès de la fontaine », dans le manuscrit autographe des poésies du prince. Il a dû participer également à la bande des Coquillards, ces malfaiteurs et marginaux dont il connaît le jargon. Dernière affaire : une rixe à nouveau, à la fin de l'année 1462, au cours de laquelle un de ses compagnons blesse le notaire pontifical François Ferrebouc. Villon est arrêté et condamné à la pendaison. Il fait appel de la sentence, et, le 5 janvier 1463, la peine est commuée en dix ans de bannissement. On perd sa trace à partir de ce moment. C'est sur ce terreau que s'est bâtie la légende de Villon mauvais garçon : « Escroc, truand, marlou, génie ! », ainsi que le chante en 1876 Jean Richepin.
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Écrit par
- Jacqueline CERQUIGLINI-TOULET : ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, agrégée de lettres modernes, docteur d'État, professeur de littérature française médiévale à l'université de Genève (Suisse)
Classification
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