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VILLON FRANÇOIS (1431-apr. 1463)

Poétique du vol et de l'envol

Le théâtre joue un rôle important dans l'écriture de François Villon. Le monde du théâtre, tout d'abord, est convoqué par le poète qui le connaît bien : « Rime, raille, cymbale, fluctes [...]. Farce, brouille, joue des flûtes ; / Fais, ès villes et ès cités / Farces, jeux et moralités » (Le Testament, « Ballade de bonne doctrine à ceux de mauvaise vie »). Le poète sait croquer une scène, saisir une silhouette, la camper. Il a le goût du spectacle. Il possède l'art du dialogue. Il se met en scène se parlant à soi-même, en train de réfléchir. D'où la multiplication des questions, des interjections, des suspensions et de toutes leurs combinaisons possibles. Le texte se donne comme haché, coupé, suspendu. Le plus bel exemple en est, dans le cadre d'une ballade et selon une tradition formelle qu'inaugure Eustache Deschamps, le débat de Villon et de son cœur : « Qu'est ce que j'oi ? – Ce suis-je. – Qui ? – Ton cœur, / Qui ne tient mais qu'à un petit filet » (Le Débat du cœur et du corps de Villon).

Ainsi, et tour à tour, le personnage de Villon joue, enseigne, prie, rit et nous fait rire. Rire en pleurs.

Son écriture ne veut rien fonder. Repoussant l'image que l'on trouve chez Jean de Meung, et antérieurement chez Isidore de Séville de l'écriture comme labour, ensemencement, le poète proclame, par le truchement de son épitaphe : « Oncques de terre n'eust sillon » (Le Testament, « Épitaphe et rondeau »). Il ne garde de la métaphore de la plume courant sur le papier ou le parchemin, comme la charrue qui creuse la terre, que l'image de la fin du sillon, quand la charrue verse, soit le verset, le retour, la fracture. La poésie de François Villon est une poésie de la ligne coupée, sa poétique celle de la décomposition – du cadavre comme du texte. Tel Diomédès, l'écumeur de mer, « en une petiote fuste » (Le Testament, huitain 18), François Villon, nouveau pirate, se veut un laboureur de la mer, du vain et du vent.

L'œuvre de François Villon a connu un succès immédiat. Sa diffusion imprimée en témoigne. Seize éditions se succèdent, de l'édition princeps de 1489 chez Pierre Levet à la première édition critique, celle de Clément Marot en 1532. L'œuvre est souvent couplée avec la Farce de Maître Pathelin, ainsi dès 1490 dans l'édition de Germain Bineaut.

Les auteurs de la fin du xve siècle et du début du xvie constituent la figure de Villon en jongleur, autour d'une rime, prégnante, qui apparaît au dernier huitain du Lais. Elle lie le nom du poète au mot billon, l'argent : « Et n'a mais qu'un peu de billon. » C'est cette figure du poète quémandeur que reprend le rhétoriqueur Guillaume Crétin dans une pièce qu'il adresse au roi François Ier. Il met en parallèle sa requête et celle de Villon à Mgr de Bourbon : « À ce propos, si ce gentil Villon / Receut soulas pour ung peu de billon... » La rime réapparaît chez Pierre Grognet dans sa Louange des bons facteurs : « Maistre Françoys, nommé Villon, / Bien sçavoit rimer sur billon. » On retient en Villon le farceur aux deux sens du terme. Il est celui qui compose des farces et qui joue des tours pour Éloy d'Amerval dans son Livre de la Deablerie, le joueur de tours encore pour Rabelais qui le met en scène au chapitre xxx de Pantagruel. Geofroy Tory le convoque dans son Champfleury comme « jargonneur », lui reprochant d'avoir gâté son ingéniosité en la consacrant à de telles broutilles. C'est encore le jargon qui apparaît lié à Villon dans une Épistre du coq à l'asne, publiée par Henri Meylan : « Or ne parlons plus le jargon, / Puisque François Millon [il faut corriger en Villon] est mort. » Marot enfin associe le nom de Villon à celui de Guillaume Crétin[...]

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, agrégée de lettres modernes, docteur d'État, professeur de littérature française médiévale à l'université de Genève (Suisse)

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Autres références

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