CACHIN FRANÇOISE (1936-2011)
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Françoise Cachin est l' une des plus éminentes figures du monde des musées de la seconde moitié du xxe siècle. Née avec le Front populaire, elle était à la fois la petite-fille du peintre postimpressionniste Paul Signac et de Marcel Cachin, directeur du quotidien L'Humanité et membre fondateur du Parti communiste français en 1920. Bien qu'elle ne l'ait pas connu, c'est d'évidence le premier qui marqua le plus son parcours intellectuel et professionnel.
Après des études à l'Institut d'art et d'archéologie sous la houlette d'André Chastel et d'André Fermigier, et une thèse sur Félix Fénéon et l'impressionnisme, Françoise Cachin devient conservateur des Musées nationaux en 1967. Elle fait un stage au musée de l'Orangerie avant d'entrer en 1969 au Musée national d'art moderne – installé alors au Palais de Tōkyō puis au Centre Georges-Pompidou en 1977 –, où elle dirige le centre de documentation. Il lui arrivait de rappeler que, grâce au dispositif des préemptions en douane institué en 1941 (aboli fin 1992 dans le cadre du marché unique), elle contribua beaucoup, à cette époque, à l'enrichissement d'une des plus belles collections d'art moderne au monde.
À partir de 1978, Françoise Cachin travaille avec l'équipe de Michel Laclotte sur le projet du futur musée d'Orsay, musée de l'art de la seconde moitié du xixe et du tout début du xxe siècle, dont elle sera le premier directeur, de 1986 à 1994. Elle assoira le rayonnement international de cet établissement en développant sa politique d'acquisitions et en lui donnant une programmation culturelle de très haut niveau. Dès cette époque, elle intervient également dans le débat relatif à la taxation des œuvres d'art dans le calcul de l'impôt sur la fortune. En 1992-1993, elle négocie avec Richard Glanton, président de la Fondation Barnes (Merion, Pennsylvanie), la venue à Paris de quatre-vingt-trois chefs-d'œuvre de cette collection, dans le cadre d'une tournée mondiale destinée à lever des fonds pour les travaux de rénovation de la fondation.
En 1994, elle est nommée directeur des Musées de France sur proposition du ministre de la Culture, Jacques Toubon, fonction qu'elle occupe jusqu'à sa retraite en 2001. À un moment où le système dont elle a la charge est affaibli par la transformation du Louvre et de Versailles en établissements publics autonomes (1993 et 1995), elle doit affronter dans ces fonctions la crise financière de la Réunion des musées nationaux – qu'elle préside statutairement en tant que directeur des musées de France – et un rapport de la Cour des comptes sur la gestion des collections nationales d'œuvres d'art (1997).
Elle témoigne alors d'un engagement exemplaire en faveur des musées : dans l'affaire relative aux quelque deux mille œuvres inventoriées « M.N.R. » (« Musées nationaux récupération »), reliquat des biens culturels spoliés par les nazis retrouvés en Allemagne par les Alliés puis confiés à la garde des Musées nationaux après l'Occupation, elle va relever, dans une certaine solitude mais avec la complicité de son équipe, l'honneur de son administration durant cette période particulièrement trouble. Elle rend ainsi hommage à l'action résistante de son prédécesseur, Jacques Jaujard, directeur des Musées nationaux de 1940 à 1944.
Elle est aussi, avec Elizabeth Rohatyn, à l'origine de la création en 1999 de F.R.A.M.E. (French Regional & American Museum Exchange), un réseau de collaboration entre, aujourd'hui, vingt-six musées français et nord-américains de niveau régional, afin de faciliter le prêt d'œuvres et le financement de grandes expositions itinérantes.
Née en 1936 à Paris dans une famille d'artistes, élevée dans « l'odeur de la térébenthine », comme elle se plaisait à le dire, Françoise Cachin était une historienne de l'art distinguée, spécialiste notamment de la période postimpressionniste. Durant son directorat du musée d'Orsay avec ses amis des musées étrangers, en particulier américains, elle organise aux Galeries nationales du Grand Palais une série d'expositions à succès sur les artistes de cette époque : Pissarro (1981), Manet (1983), Gauguin (1989), Seurat (1991), puis Méditerranée. De Courbet à Matisse (2001) ; et à Orsay, Van Gogh à Paris (1988), 1893, l'Europe des peintres (1993). Elle a également écrit de nombreux ouvrages consacrés à Édouard Manet, Paul Gauguin et Georges Seurat, et publié, en 2000, le catalogue raisonné de l'œuvre de son grand-père Paul Signac. Après sa retraite, elle poursuit ses travaux en organisant notamment, en 2010 à Essen (Allemagne), l'expositionBilder einer Metropole. Die Impressionnisten im Paris, éloge de la ville et des artistes qu'elle aimait.
En 2006, elle cosigne dans Le Monde, avec Jean Clair et Roland Recht, une tribune hostile aux prêts payants du musée du Louvre à l'High Museum of Art d'Atlanta et au projet du Louvre Abou Dhabi, à l'origine d'une vaste polémique. Un an plus tard, elle est, « sans explication », démise de son siège au conseil artistique des Musées nationaux, instance suprême de la politique d'acquisition des musées qui lui était si chère, et perd la co-présidence du réseau F.R.A.M.E. qu'elle avait fondé.
Une galerie du musée d'Orsay présentant les œuvres de Gauguin, Van Gogh et des pointillistes porte désormais son nom et rend un juste hommage à cette femme exceptionnelle tant par sa culture que par ses convictions.
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
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Autres références
-
ORSAY MUSÉE D', Paris
- Écrit par Stéphane GUÉGAN
- 1 224 mots
- 1 média
Françoise Cachin, premier directeur du musée d’Orsay de 1986 à 1994, lui avait donné son impulsion décisive en développant sa politique d’acquisitions et son rayonnement international. Henri Loyrette, directeur de 1994 à 2001, mettait en place des expositions consacrées aux impressionnistes...
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