COMBES FRANÇOISE (1952- )
Du gaz moléculaire à la cosmologie
Les radiotélescopes millimétriques atteignent des performances exceptionnelles, tant en sensibilité qu’en résolution spectrale et angulaire. Françoise Combes et ses collaborateurs ont notamment utilisé les deux instruments de l’Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM) que sont l’antenne de 30 mètres située au Pico Veleta, en Andalousie, et l’interféromètre du plateau de Bure, près de Grenoble, désormais développé sous le nom de Noema (Northern Extended Millimeter Array). Ainsi, étudiant la galaxie d’Andromède (M31) dès le début de sa carrière, elle a pu montrer que la molécule H2 retraçait sa structure spirale, jusqu’alors connue par la répartition des étoiles. Elle a également découvert la présence de CO dans des noyaux actifs (AGN), ainsi que des molécules jamais détectées jusque-là – telles que l’acétone ou l’hydronium H3O+ – dans d’autres types de galaxies, et entamé une quête à la recherche de la glycine, acide aminé qui pourrait être lié à l’évolution du vivant.
Les molécules H2 et CO sont abondantes sous forme gazeuse dans les galaxies. Et, parce que leur spectre observé est très sensible aux conditions physiques locales, elles peuvent être utilisées comme des sondes. Françoise Combes a été pionnière dans leur utilisation. Ainsi, l’observation du spectre de quasars très lointains met en évidence des raies spectrales moléculaires (CO, H2O) qui sont interprétées comme étant dues à la présence d’un nuage moléculaire situé entre l’observateur et le quasar, et donc traversé par la lumière issue de ce dernier. Certains nuages étant très lointains (donc anciens), leurs propriétés ainsi mesurées donnent des indications importantes sur l’évolution cosmique.
Parmi les autres travaux particulièrement originaux utilisant cette sensibilité des molécules, on peut citer la mesure de décalages temporels de quelques semaines entre deux images d’une même galaxie lointaine, données par une lentille gravitationnelle (masse compacte agissant comme une lentille et déviant les rayons lumineux émis par une source lumineuse située en arrière-plan) plus proche. Citons encore une mesure remarquable : en observant le spectre de molécules présentes dans un très lointain nuage, on accède à la température du fond cosmologique dans le passé, car celle-ci est responsable de l’excitation de ces molécules et donc de l’intensité des raies spectrales observées. Cette mesure de l’évolution de la température du corps noir cosmologique au cours du temps a confirmé le modèle standard de la cosmologie.
Enfin, dans une liste loin d’être exhaustive, mentionnons l’observation, par le satellite Herschel et les instruments de l’IRAM, des raies moléculaires d’une galaxie presque « primordiale », puisque datée par son décalage spectral d’un milliard d’années après le big bang.
La cosmologie, déjà présente dans les travaux cités ci-dessus, est un domaine dans lequel Françoise Combes et ses collaborateurs sont particulièrement créatifs, et ce sous quatre aspects : la nature de la matière noire ; le rôle de la gravitation interne aux nuages de gaz (autogravité) lors de l’expansion de l’Univers ; la formation des premières étoiles lors de la phase de réionisation de l’Univers, environ un milliard d’années après l’instant 0 du big bang (ou singularité initiale) ; la modification envisagée de la loi de la gravitation. Notons ici une exploration particulièrement approfondie de l’hypothèse selon laquelle une fraction importante de la masse actuellement attribuée à une matière noire de nature inconnue serait en réalité, au sein des galaxies, du gaz moléculaire H2 froid (3 kelvins), abondant et distribué de façon fractale – une structure fractale ressemble à elle-même, à quelque échelle qu’on l’observe, tel un nuage turbulent[...]
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Écrit par
- Pierre LÉNA : professeur émérite de l'université Paris-VII-Denis-Diderot, membre de l'Académie des sciences
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Médias