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HUGUIER FRANÇOISE (1942- )

Elle avait huit ans l’été 1950 lorsque se produisit l’événement à l’origine de son œuvre photographique. Fille de colons élevée en Indochine, Françoise Hugier, née Le Minor, est alors enlevée avec son frère par l’armée vietminh. Endoctrinés, les enfants otages de la guerre d’Indochine endurent huit mois de captivité dans la jungle. Vingt-cinq ans plus tard, la photographe et réalisatrice documentera des univers concentrationnaires dans un style en lutte contre tout exotisme mièvre.

Photographe sans frontières

Issue d’une famille mi-aristocrate mi-bourgeoise, Françoise Huguier (née en 1942 à Thorigny-sur-Marne) se rêve cinéaste. L’étudiante éclectique s’imprègne des films de la nouvelle vague et se passionne pour l’ethnologie enseignée par André Leroi-Gourhan en 1963 à la Sorbonne. En 1967, elle épouse Patrice Huguier, un architecte qui l’initie à la photographie. Mai-68 éclate. À une époque où la photographie n’est pas à la mode et où les femmes sont minoritaires dans cet art, elle s’inscrit à l’École nationale supérieure Louis-Lumière à Paris. Engagée dans un laboratoire parisien, l’apprentie fréquente des photographes de renom tels que Sarah Moon, Patrick Demarchelier, Irving Penn et Guy Bourdin, son idole, comme elle le relate dans son autobiographie Au doigt et à l’œil (2014), qui renouvelle la photo de mode au magazine Vogue en construisant des mises en scène aussi inventives que des séquences de cinéma.

Photographe de terrain, Françoise Huguier débute sa carrière en Asie du Sud-Est où elle s’essaie à des sujets qui lui sont familiers. Son premier reportage sur les cyclo-pousses indonésiens est publié en 1976 dans le magazine Zoom, tandis que le magazine de décoration 100 idées lui confie une rubrique sur les cultures du monde. En 1981 son regard change au Japon où elle scrute la société du pays le plus industrialisé d’Asie. Ses reportages caustiques sur les love hotels, des lieux débridés de l’industrie du sexe à Tōkyō, paraissent dans Matinmagazine. Au quotidien Libération,la photo de presse impertinente fait sa révolution permanente, on lui commande des reportages au ton original : l’approche immersive devient sa signature de photographe documentaire qui vit dans les squats de communautés ethniques parisiennes comme elle infiltre les festivals de cinéma.

Recrutée dès 1986 par l’agence de presse Vu, spécialisée dans la photo d’auteur, Françoise Huguier couvre l’actualité dans son style décalé, comme à l’occasion du voyage du président Mitterrand en Afrique. À contre-emploi, elle suit les défilés de la haute couture parisienne de 1983 à 1997 et passe à la couleur pour saisir les détails des modèles en inventant un style abstrait et décadré qui séduit Vogue, The New York Times magazine ou Paris Match. Ces séries de mode qui reçoivent le prix Kodak en 1986 constituent l’ouvrage Sublimes (1999), tandis qu’en 1987 son travail personnel est récompensé par le prix des Rencontres d’Arles.

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