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HUGUIER FRANÇOISE (1942- )

En immersion

En marge de la presse, Françoise Huguier construit une œuvre à travers des reportages au long cours. Lauréate de la bourse de la Villa Médicis hors les murs, la spécialiste de l’Asie se met au défi de photographier l’Afrique entre Dakar et Djibouti guidée par L’Afrique fantôme (1934), le journal de l’écrivain ethnologue Michel Leiris. Elle publie Sur les traces de l’Afrique fantôme (1990), son propre carnet de route peuplé de portraits et paysages en noir et blanc. S’ensuivent des séries de « chaud et froid » photographiques. En Sibérie, l’aventurière explore le huis clos à – 40 0C des chasseurs nomades Nenets. En 1993, le prestigieux prix World Press Photo de photojournalisme est décerné à son reportage En route pour Behring dont elle tire un livre éponyme.

Délaissant la presse, Françoise Huguier devient commissaire d’expositions au Mali et crée en 1994 le festival de Bamako, première biennale dédiée à la photo africaine mettant à l’honneur les portraitistes de studio Seydou Keita et Malick Sidibé. Son propre corpus s’enrichit d’inédits car la photographe sait se faire ouvrir des portes. Des femmes africaines, nul n’avait pénétré l’intimité de leurs chambres. Dans la pénombre de ces grottes en terre surgissent les beautés nubiles de la série Secrètes (1996).

Locataire à Saint-Pétersbourg d’un appartement communautaire, une survivance des riches demeures réquisitionnées en 1917 par les Bolcheviks, elle montre de l’intérieur une société en mutation depuis la chute du communisme jusqu’à la Russie du président Poutine (Kommounalki, 2008). Cette série intimiste, doublée d’un film éponyme présenté au festival de Cannes, circulera des Rencontres d’Arles en 2008 au Mois de la photo à Paris et à la Photobiennale de Moscou en 2010. Au Cambodge, Françoise Huguier libère sa mémoire en revenant sur les lieux de sa captivité : l’exposition et son livre J’avais huit ans (2005) sont remarqués aux Rencontres d’Arles de 2008.

Sa carrière voit alterner la direction artistique de la troisième biennale des images du monde PhotoQuai (2011)au musée du quai Branly, la deuxième biennale de l’image à Luang-Prabang au Laos (2012) et des portraits de société telles que les Nonnes en Colombie (2013). Toute une jeunesse acculturée apparaît dans la série Vertical/Horizontal, Intérieur/Extérieur, les classes moyennes à Singapour, Kuala Lumpur, Bangkok, récompensée par le prix Marc Ladreit de Lacharrière-Académie des beaux-arts en 2011. À la Maison européenne de la photographie à Paris l’exposition Pince-moi, je rêve (2014) revisite une œuvre insolente et engagée. Alors que le Mali est en guerre, Françoise Huguier soutient ses confrères invités à l’exposition Bamako Photo in Paris(2013) : « Comme nous ce sont des veilleurs, des gardiens, des empêcheurs de tourner en rond. Ils restent à l’écoute du monde, la liberté entre les dents. » Une déclaration en forme d’autoportrait.

— Gisèle TAVERNIER

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