SAGAN FRANÇOISE (1935-2004)
« Je suis un accident qui dure »
En cinquante ans de carrière, Françoise Sagan a publié une trentaine d'ouvrages, des romans essentiellement, des pièces de théâtre et des textes de souvenirs, sans compter des scénarios et des dialogues pour le cinéma. Dès ses premières œuvres, le lecteur découvre ce qui deviendra rapidement sa marque : des textes, le plus souvent brefs, qui mettent en scène un trio ou un quatuor amoureux appartenant à la bourgeoisie dorée et oisive. La critique a souvent stigmatisé ce « milieu saganesque » et l'artificialité des personnages et des sentiments, sans toutefois noter la profonde humanité de l'œuvre et la crainte de la solitude qui, comme une fêlure, court à travers toute l'œuvre. Celle-ci s'est construite à l'écart des chapelles et des avant-gardes littéraires. « Je ne crois pas aux techniques, ni aux histoires de renouvellement du roman, affirmait-elle. Il y a tout l'être humain à fouiller. C'est une histoire de bûcheron. L'arbre est assez énorme pour qu'on ne passe pas son temps à vérifier la hache. » Femme de convictions, signataire du Manifeste des 121 sur les droits à l'insoumission dans la guerre d'Algérie, farouche opposante à la peine de mort et ennemie de toute forme de racisme, Françoise Sagan n'avait pourtant rien d'un porte-drapeau. Les scandales qui ont émaillé la vie de la femme ont malheureusement fait oublier les qualités de l'écrivain, son art très personnel de peindre en quelques mots simples et choisis une situation ou un personnage. Cette petite musique qui dans toute la littérature n'appartient qu'à elle et qui avait ébloui François Mauriac en 1954 : « Sur ce sentiment inconnu dont l'ennui, la douceur m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse » (Bonjour tristesse). Colonisée par la littérature, Françoise Sagan a toute sa vie brûlé d'une unique passion. Prodigue jusqu'à l'excès, conduisant sa vie à la façon d'une de ces voitures de course qu'elle aimait tant, elle a parfois cédé à l'urgence et à la facilité qui, rappelait-elle, « demande aussi du travail ». De cette course effrénée à la vie, il nous reste des prodiges de beauté, dont la force demeure aujourd'hui intacte.
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Écrit par
- Frédéric MAGET : enseignant, professeur de lettres modernes, auteur
Classification
Médias