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FRANCOPHONES LITTÉRATURES

La notion de littératures francophones, distinctes de la tradition littéraire française, s’est progressivement affirmée dans la seconde moitié du xxe siècle. L’usage distingue ainsi « la » littérature francophone, c’est-à-dire l’ensemble des textes littéraires écrits en français (y compris la littérature française), et « les » littératures francophones, soit l’ensemble des textes littéraires de langue française écrits par des auteurs issus de pays ou de régions extérieurs à l’Hexagone. Une distinction qui demeure problématique.

En effet, l’autonomie de ces littératures a été difficilement acquise. En 1958 encore, l’Encyclopédie de la Pléiade les désignait comme des « littératures connexes ». Nombre d’entre elles, présentées comme émergentes, vont s’imposer à la faveur des décolonisations, en dépit d’un centralisme français qui demeurera longtemps dominant. En outre, l’homogénéité d’un espace littéraire allant de la Polynésie aux Antilles, de l’Afrique subsaharienne à l’Europe en passant par le Maghreb ou l’océan Indien est loin d’être évidente. La situation de cette production littéraire, tantôt marginalisée, tantôt présentée sans grand souci de cohérence, explique les malentendus qui s’attachent à la notion de littératures francophones. Pour aborder celles-ci, il convient de privilégier une dimension transnationale, accordée à la pluralité des situations d’écriture. On sort ainsi des cadres habituels de l’histoire littéraire.

Un mot et une notion

Les notions de « francophone » et de « francophonie » apparaissent au tournant du xixe siècle. Le terme « francophone », adjectif et substantif, est attesté en 1880, dans l’ouvrage du géographe Onésime Reclus, France, Algérie et colonies. Durant cette période, qui marque l’apogée des empires coloniaux européens d’outre-mer, il signifie alors : « qui parle français » et désigne les habitants de langue française d’entités nationales ou régionales où le français n’est pas la langue unique. Le mot entre dans le dictionnaire en 1930 (Supplément au Larousse du xxe siècle), mais demeure peu utilisé. Il ne devient plus courant qu’après la Seconde Guerre mondiale. Le substantif « francophonie » en est dérivé. Attesté lui aussi en 1880, chez Reclus, il désigne un ensemble ou une partie du monde francophone (par exemple, la francophonie suisse). Il est rarement utilisé avant 1962, lorsque la revue Esprit consacre un numéro au « français langue vivante ». Des intellectuels de langue française, dont le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, utilisent le mot, appelant en fait à la création d’une organisation « francophone » sur le modèle de celle que l’écrivain et journaliste québécois Jean-Marc Léger avait proposée quelques années auparavant. Les débuts de l’ère post-coloniale font prendre conscience aux Français que la langue française est parlée par différents peuples à travers le monde et qu’il conviendrait de rassembler cette diversité.

Cette organisation s’est effectuée lentement. En 1969, la conférence de Niamey avançait l’idée d’une Agence de coopération culturelle et technique, mise en place l’année suivante. Elle deviendra en 1998 l’Agence intergouvernementale de la francophonie et, en 2005, l’Organisation internationale de la francophonie. En 2018, celle-ci rassemble 84 États et gouvernements (58 membres et 26 observateurs). L’institutionnalisation francophone, qui relève d’une solide tradition française d’interventionnisme linguistique, s’est accompagnée d’un ensemble d’initiatives : l’Agence universitaire de la francophonie, la Fédération internationale des professeurs de français, la Délégation générale à la langue française et aux langues de France du ministère de la Culture, ainsi que les prédécesseurs, plus que centenaires et toujours actifs, que sont l’Alliance française et la[...]

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Écrit par

  • : professeur de littératures francophones et de littérature comparée, université Paris-Nanterre, membre de l'Institut universitaire de France

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Médias

Gaston Miron - crédits : Jean Pol Stercq/ Opale/ Leemage

Gaston Miron

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