FRANCS
L'apport des Francs à la Gaule
Les Francs apportèrent leur langue d'abord à une faible partie du territoire gaulois, le vingtième environ, mais les conditions dans lesquelles la frontière linguistique s'est déplacée sous leur influence restent très controversées. Jusqu'en pleine époque carolingienne, de nombreux îlots existaient encore de part et d'autre, par exemple dans la vallée de la Moselle, en aval de Trèves ou vers Aix-la-Chapelle.
Surtout ils créèrent une civilisation nouvelle, faite, pour une part, d'apports proprement franciques et, pour une autre, plus importante, d'emprunts à d'autres peuples germaniques, à Rome, aux civilisations indigènes de la Gaule et au christianisme. Les Francs ont été surtout remarquables par leur aptitude à réaliser une synthèse entre ces éléments divers ; leurs rois et leur aristocratie, qui a fourni l'élite dirigeante de la Gaule (sauf la Bretagne, la Provence et le Bas-Languedoc), ont répandu partout un état d'esprit où les préoccupations guerrières sont essentielles et où l'intellectualité n'a qu'une place effacée.
Cette civilisation, qu'il faut plutôt qualifier de mérovingienne, se caractérise par quelques traits célèbres : un armement nouveau, que le guerrier emporte dans sa tombe (hache de jet, couteau, épée, lance) ; un droit, représenté par la loi salique, écrite à la fin du règne de Clovis, qui fait grande place à la solidarité familiale et à une procédure orale extrêmement formaliste ; un système social encore proche de celui du Bas-Empire, où un groupe restreint de fidèles du roi et d'anciens sénateurs romains, nantis d'immenses propriétés foncières dispersées dans tout le royaume, domine des masses paysannes tenues dans une dépendance économique étroite et des esclaves encore assez nombreux. Les modes franques se diffusent à partir de la cour, imposant une onomastique nouvelle, tant aux personnes (noms à deux termes accolés, comme Dagobert, « jour brillant », ou Bertrand, « brillant corbeau ») qu'aux lieux (noms de villages comme Thionville « le domaine de Théodon », ou Avricourt « la ferme d'Eberhard », en pays de langue romane, noms en -heim ou en -weiler des pays de langue allemande). Un vocabulaire nouveau désigne des institutions qui n'avaient pas d'équivalent à l'époque romaine, comme leude, nom du fidèle du roi, ou maimbour, qui désigne une forme de protection. Tout cela s'est formé après la conquête germanique. L'Église, dont les cadres restent jusqu'au viie siècle principalement romains, accepta le nouvel ordre de choses, pourvu que les privilèges de ses prélats et de ses possessions foncières fussent consolidés.
La dynastie mérovingienne, parfaitement implantée dans l'ancien territoire romain, s'intéressa peu aux Francs restés sur la rive droite du Rhin. Jusqu'au début de l'ère carolingienne, ceux-ci ne jouèrent aucun rôle dans le royaume, restèrent en majorité païens et durent se défendre par leurs propres moyens contre la pression croissante des Saxons, qui entraîna vers 690 la disparition du peuple des Bructères. Hessois et même Thuringiens furent en revanche vers la même époque assimilés aux Francs.
Vers le viie siècle, le nom de Francs reçut une nouvelle signification : il s'appliqua désormais à tous les sujets du roi mérovingien, puis carolingien, qui ne se réclamaient pas d'une autre « nationalité régionale ». Au xe siècle, une évolution inverse restreignit pour quelque temps sa portée, dans le royaume de l'Est, aux habitants de la Franconie (Franken) et, dans celui de l'Ouest, à ceux de la Francia, c'est-à-dire du Bassin parisien et des pays de la Loire qui étaient sous l'autorité de la dynastie robertienne, puis capétienne. Finalement, vers le début du xi[...]
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Écrit par
- Lucien MUSSET : maître de conférences à l'université de Caen
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