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FRANK HORVAT. PARIS, LE MONDE, LA MODE (exposition)

En enrichissant en 2023 la présentation montrée l’année précédente dans son espace du château de Tours, le Jeu de Paume proposait, avec l’exposition Frank Horvat. Paris, le monde, la mode, (Jeu de Paume, 16 juin-17 septembre 2023) l’évocation en cinq sections chronologiques de l’itinéraire d’un photographe partagé entre la passion du voyage et l’univers de la mode.

En début de parcours, la séquence « Les débuts d’un photoreporter. 1950-1954 » montre une sélection de quinze images que Frank Horvat, qui s’interroge encore sur son avenir de peintre ou d’écrivain, rapporte de ses voyages au Pakistan et en Inde. Équipé de l’appareil de petit format Leica que lui a conseillé Henri Cartier-Bresson, son aîné de vingt ans, le jeune Occidental, aussi curieux qu’audacieux, étend le propos documentaire à la recherche esthétique, alternant les portraits de courtisanes en parure du quartier rouge de Hira Mandi ou les visages de fumeurs de haschich de Lahore avec les processions rituelles et les tableaux d’assemblées prénuptiales. Déjà, une manière s’affirme, qui éloigne Horvat de « l’instant décisif » prôné par Cartier-Bresson quand l’image saisit des regards tournés vers l’objectif et que le figurant du reportage devient acteur de la scène. Deux photographies, prises au même pont de Howrah, à Calcutta, font une mince concession au thème de la misère : réfractaire aux tonalités sombres de l’investigation sociale qui inspire les photographes du temps, Frank Horvat accompagne son regard d’une rigueur du cadrage et de la tonalité qui lui permet de forger le style, frontal ou poétique, qu’il impose dès 1951 dans les pages de publications européennes comme Epoca, Die Wocheet Sieund Er, présentées dans les vitrines de l’exposition.

Londres-Paris

En même temps qu’elle lui permet de côtoyer des confrères tels qu’Édouard Boubat, Jean-Philippe Charbonnier ou François Kollar, sa collaboration avec la revue Réalités, fondée en 1946, conduit Frank Horvat à construire plusieurs sujets, comme la vie quotidienne et l’organisation sociale des mineurs de la région du Borinage en Belgique ou à entamer de 1954 à 1959 une investigation sur la ville de Londres : cinq années d’une période particulièrement féconde pour une immersion sensible dans différents milieux sociaux, du quartier populaire de Lambeth au très fermé Café Royal Boxing Club. Sans céder à la caricature ou au clin d’œil insolite, Horvat donne de la capitale britannique une image plurielle, naturellement déclinée au gré des commandes passées par Réalités : les tricoteuses du métro et les gamins boxeurs du quartier de Lambeth font pièce aux cadres en chapeaux melon du quartier d’affaire de la City ; l’exposition florale de Chelsea enchaîne avec le marché aux animaux de compagnie de Club Row.

Avec plus de quarante photographies, la section la plus longue de l’exposition, « Paris de jour, Paris de nuit », est consacrée à l’exploration de la capitale, dans le partage de ses vingt-quatre heures entre l’activité et les plaisirs. Équipé d’un téléobjectif nouvellement acquis, Horvat exploite avec enthousiasme son double avantage, intrusif et esthétique, quand le pouvoir d’isoler un sujet qui ne se sait pas visé va de pair avec l’effet optique du laminage de la perspective qui, à la manière d’une tapisserie primitive, comprime les foules sur un même plan. S’y ajoute la révolution technologique d’une pellicule quatre fois plus sensible que ce que le marché proposait jusqu’alors, permettant de photographier la nuit, sans la nécessité d’une pose longue. Aidé par les progrès techniques qui allaient révolutionner le travail de toute une génération de photographes, Horvat fait alors de Paris un terrain d’inspiration particulièrement fécond, sans autre limite que sa prédilection pour l’art de vivre et la sensualité, passant continûment de l’effervescence des grands[...]

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Média

<em>Tan Arnold au Chien qui fume</em>, F. Horvat - crédits : Frank Horvat Studio

Tan Arnold au Chien qui fume, F. Horvat