GEHRY FRANK O. (1929- )
En quête de textures nouvelles, de structures libres et complexes, la démarche de Frank Owen Gehry s'affranchit des conventions et s'affirme volontiers comme active, voir joueuse. Ainsi, ses constructions s'apparentent souvent à la sculpture. L'innovante juxtaposition des volumes, la diversité des matières et des couleurs lui ont permis d'acquérir une notoriété qui est devenue éclatante avec la construction du musée Guggenheim de Bilbao.
La désarticulation des volumes
Né Goldberg en 1929 à Toronto, au Canada, Frank O. Gehry étudie les beaux-arts et l'architecture à l'université de Californie du Sud à Los Angeles (il est diplômé en 1954), puis l'urbanisme à la Graduate School of Design, à Harvard (1956-1957). De 1953 à 1958, il travaille successivement chez Welton Becket and Associates (1957-1958), Victor Gruen (concepteur de grands centres commerciaux, en 1958-1961) à Los Angeles, Hideo Sasaki, Pereira & Luckman et, à Paris, chez André Remondet (1961). Il fonde, à Los Angeles en 1962, l'agence Frank O. Gehry and Associates. Dès 1968, il expérimente avec ses premières commandes, comme une grange à San Juan Capistrano en Californie, certains dispositifs tels que le biais du toit ou les parois de tôle ondulée qui en font une œuvre sculpturale. Ses premières réalisations trahissent l'influence très nette de Frank Lloyd Wright et de l'architecture japonaise : les maisons Steeve à Brentwood (Californie, 1959) ou Harper à Baltimore (Maryland, 1976) sont notamment marquées par une grande unité spatiale et une grande sobriété de façades. On retrouve ces surfaces planes au Danziger Studio, à Hollywood (1964), traité de façon quasi cubiste, avec très peu d'ouvertures.
Une autre influence est particulièrement remarquable dans le travail de Gehry au cours des années 1970 : celle de l'architecture primitive américaine des Indiens du Nord-Ouest, faite de matériaux dépourvus de toute noblesse et dont la mise en œuvre sur les façades laisse une large part à l'éphémère. Gehry construit ainsi la maison-atelier du peintre Ron Davis à Malibu (1972) avant de faire de sa propre demeure, à Santa Monica (1977-1979), le manifeste de ce qui deviendra le « style », ou plutôt la « méthode » Gehry. À une maison existante, il juxtapose, sans ordre apparent, une série d'adjonctions en matériaux légers, avec l'intention de mettre en forme « une multitude d'idées », mais aussi de brouiller la limite entre l'ancien et le nouveau. Plus évocatrice de cette démarche est la maison Smith à Brentwood (1981), qui n'est autre que l'extension de la maison Steeve de 1959. Dès lors, Gehry n'aura de cesse de procéder à une dissociation, une désarticulation des volumes, toujours indépendants mais néanmoins constitutifs d'un projet qui ne perd jamais de son homogénéité. Les bâtiments de Gehry sont des corps vivants, non de simples assemblages d'éléments ; les liaisons entre chaque espace (passages, couloirs, escaliers) y tiennent une place fondamentale : elles sont en effet les connexions inévitables empruntées par les « acteurs » des chorégraphies imaginées par Gehry – la Schnabel Residence, à Brentwood (1987), en est l'exemple le plus abouti. Loin d'être abstraite, son architecture se veut presque organique, subjective, chaque client devant alors participer activement au processus de conception. L'intérêt de l'architecte pour la peinture de Paul Cézanne ou de Jackson Pollock se traduit encore par l'aspect non fini de certaines de ses constructions. Gehry considère à ce titre qu'un bâtiment en chantier, ou bien inachevé, donne à voir bien davantage que le produit fini. Cet amateur d'art contemporain – qui refuse le statut d'artiste – demande enfin à Claes Oldenburg de collaborer à la réalisation du siège de l'agence Chiat/Day/Mojo à Venice (1975-1991).[...]
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Écrit par
- Simon TEXIER : professeur, université de Picardie Jules-Verne
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
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