GEHRY FRANK O. (1929- )
Le mouvement qui déplace les lignes
La source première de l'inspiration de Gehry demeure toutefois cette ville chaotique qu'est Los Angeles. Chaque bâtiment en est une métaphore, l'occasion d'exprimer un désordre doublé du spectre du tremblement de terre qui menace la Californie. La maison qu'il construit pour un cinéaste (1981) ou le California Aerospace Museum (1984) témoignent notamment de cette prise de position. Attentif au contexte, Gehry juge « traditionnel » son Cabrillo Marine Museum construit à San Pedro (1979), dont les volumes s'inspirent des industries portuaires adjacentes. Avec la réhabilitation de l'immeuble du 360 Newbury Street à Boston (1988), Gehry montre de façon plus évidente encore son intention de travailler dans la continuité, tout en refusant l'usage de références historiques purement formelles.
La notoriété de Gehry l'a logiquement amené à s'exporter. Il participe en 1985 au concours pour la médiathèque de Nîmes (remporté par Norman Foster), avant de réaliser sa première construction européenne, le musée et l'usine de mobilier de la firme Vitra à Weil-am-Rhein, en Allemagne (1989). Gehry y met en scène les œuvres avec une évidente virtuosité ; il opte pour des surfaces extérieures monochromes que l'on retrouve par exemple au Visual Arts Center de l'université de Toledo (Ohio, 1990-1992) ; ce choix n'est cependant pas définitif, en témoigne le siège social de Vitra, à Bâle (1988-1994). À Prague, enfin (1992-1995), l'avant-corps dont il dote un immeuble de bureaux est l'occasion d'un singulier dialogue avec l'univers baroque de la vieille ville.
Les réalisations de Frank O. Gehry ont bénéficié d'un écho exceptionnel et, du même coup, contribué à faire de cet architecte une figure particulièrement en vue sur la scène internationale. Dans l'American Center de Paris (1987-1994) appelé, après sa vente, à abriter la Cinémathèque française, certains ont vu davantage une œuvre de concession qu'une version parisienne de ses fantaisies californiennes. Et pour cause : ce centre culturel se voulait à la fois fidèle à ce qui a fait la célébrité de Gehry et un hommage à l'architecture locale. La façade côté parc et l'espace d'accueil contrastent en effet sensiblement avec l'élévation côté rue de Bercy, traitée à la manière d'un immeuble de rapport – le tout est paré de pierres de Saint-Maximin. C'est avec le musée Guggenheim de Bilbao (1991-1997) que Gehry a finalement donné la mesure de son savoir-faire. Nonobstant les conditions sulfureuses de sa genèse, ce bâtiment marque le point culminant de cette poétique de la complexité mise en œuvre par l'architecte depuis vingt ans. Si le dessin a toujours constitué pour l'architecte un outil essentiel, la résolution de problèmes géométriques particulièrement délicats et la nécessité de garder en permanence le contrôle des prix, ont suscité un important travail informatique et un nombre impressionnant de maquettes. Entre pont et docks, ville et fleuve, la structure métallique du musée Guggenheim et son revêtement de titanium apparaissent comme l'une des créations architecturales les plus marquantes de la fin du xxe siècle.
L'école de management du campus de l'université Case Western Reserve à Cleveland, le Peter B. Lewis Building (2002), use des formes ondulatoires, des légers décalages et des changements de teintes. Les espaces intérieurs, conçus comme des sculptures, jouent sur les éclairages naturels, nuançant ainsi la couleur blanche initiale des murs. En Allemagne, à partir du bâtiment de l'architecte Herford Werner Lippold (1950), initialement une usine de production, Gerhy intègre de nouveaux éléments afin de réaliser le complexe muséal MARTa Herford (2001-2005). L'établissement se fond dans l'environnement par[...]
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Écrit par
- Simon TEXIER : professeur, université de Picardie Jules-Verne
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Autres références
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ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - L'architecture
- Écrit par Claude MASSU
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GUGGENHEIM MUSÉE
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INGÉNIEUR ET ARCHITECTE
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...géométriques au profit de l'éclectisme postmoderne et du déconstructivisme. C'est le triomphe du grand geste esthétique. « Des bâtiments aussi spectaculaires que le musée Guggenheim à Bilbao ou l'extension du musée de Milwaukee par Santiago Calavatra sont admirés comme des sculptures », remarque justement...