TÉNOT FRANK (1925-2004)
Issu de deux générations d'instituteurs alsaciens, Frank Ténot voit le jour à Mulhouse le 31 octobre 1925. C'est par la radio que lui parvient le virus du jazz, la passion de sa vie. Encore lycéen, il collabore à l'hebdomadaire bordelais Panurge. Dès lors, son destin ne cessera de balancer entre presse et musique. « Monté » à Paris au cours de l'été de 1945, il mène une vie de bohème et passe le plus clair de son temps à hanter le Hot Club qu'anime Charles Delaunay, autorité jazzistique incontestée, qu'il avait croisé à Bordeaux. Ce dernier lui propose de l'assister dans la préparation de son émission « Jazz d'hier et d'aujourd'hui ». Présentateur à la R.T.F., Frank Ténot devient secrétaire de rédaction de la revue Jazz Hot (1946-1948). En dépit de cette intense activité, il obtient un diplôme scientifique et travaille comme agent technique au Commissariat à l'énergie atomique de 1948 à 1955. Il cumulera cette activité à partir de 1954 avec les fonctions de présentateur à Radio Luxembourg.
En 1955, en compagnie d'un jeune photographe de Paris Match aussi passionné de jazz que lui, Daniel Filipacchi, il est appelé par la nouvelle station de radio Europe no 1, qui restera son port d'attache pendant de très longues années. De 1955 à 1968, ils seront l'âme de l'émission « Pour ceux qui aiment le jazz », avec un naturel, une vivacité et une fougue qui tranchent sur le ton plutôt compassé des émissions musicales du temps. Une génération entière d'amateurs, fascinée par ce mélange d'envolées lyriques et de controverses sauvages, découvre grâce à eux les chefs-d'œuvre du genre. Parmi leurs plus célèbres indicatifs figure l'illustre Blues March for Europe no 1, thème de Benny Golson qu'enregistrent pour eux en 1958 Art Blakey et ses Jazz Messengers au Club Saint-Germain.
En 1956, les deux compères rachètent le titre de Jazz Magazine à la famille Barclay. Un nouveau souffle bouleverse alors la maquette et l'esprit éditorial d'une revue qui ne tarde guère à devenir la référence dans sa spécialité. Toujours inséparables, ils lancent en 1958 l'émission « Salut les copains ! », rendez-vous de toute une jeunesse et tribune quotidienne offerte à la vague yé-yé qui déferle alors sur la France. Un mensuel du même nom paraîtra dès 1961. Tout semble leur réussir. Ils produisent avec Norman Granz les concerts Jazz à l'Olympia qui attirent à Paris Ray Charles et John Coltrane. Avec une stupéfiante capacité à capter et exprimer l'air du temps, ils créent Lui, magazine de charme pour hommes, et Pariscope, guide de spectacles et de restaurants sur la région parisienne. Sylvie Vartan leur doit le début de sa carrière. Ce sont eux qui se penchent, en 1964, sur le berceau de la revue Mademoiselle Âge tendre.
Bien sûr le jazz est toujours présent avec Les Cahiers du jazz, revue semestrielle qu'ils dirigent, en compagnie de Lucien Malson, de 1959 à 1971. On ne leur connaît guère que deux échecs : la tentative de relance aux États-Unis de la revue Look et la dérive de la gigantesque fête qu'ils organisent le 21 juin 1963 à Paris, place de la Nation, et qui s'achève en échauffourées.
Les chemins esthétiques des deux associés vont diverger, Daniel Filipacchi abandonnant progressivement le jazz au profit du rock et de ses diverses incarnations françaises. Ni l'amitié, ni les nouvelles aventures professionnelles n'en souffriront. C'est ensemble qu'ils rachètent en 1976 les actions de Paris Match, alors en pleine déconfiture, et s'allient à Matra pour prendre le contrôle du secteur presse du groupe Hachette. Ce dernier, dix ans plus tard, rachète Europe no 1. Frank Ténot devient président du groupe. En 1987, la moustache toujours aussi conquérante, il y impose une première[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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