SNYDERS FRANS (1579-1657)
Avec Fyt, Frans Snyders est la figure majeure de la peinture d'animaux et de natures mortes de chasse si florissante en Flandre au xviie siècle. Élève de Pieter Bruegel II, vers 1593/94, et peut-être aussi de Van Balen, il est reçu maître dans la Gilde d'Anvers en 1602, séjourne en Italie en 1608, à Rome puis à Milan. À cette occasion, Jan Bruegel de Velours l'avait chaleureusement recommandé auprès du cardinal Borromée (Snyders était notamment chargé par Bruegel de copier pour lui quelques-unes des meilleures toiles italiennes du prélat milanais). Rentré à Anvers en 1609, il se marie, en 1611, à la sœur des peintres Cornelis et Paul de Vos — ce dernier devenant l'un des plus efficaces « vulgarisateurs » de Snyders —, mais il reste surprenant que Snyders n'ait, dans toute sa carrière, reçu officiellement que trois élèves, dont le seul notable, animalier comme lui, fut Nicasius Bernaerts (l'activité de celui-ci fut essentiellement française). Il est certain que Snyders eut des collaborateurs, si l'on considère son immense production de niveau inégal, mais point d'atelier au sens académique du terme. Très considéré à Anvers et enrichi par ses commandes, Snyders jouit d'une célébrité internationale, comme l'atteste en 1636-1637 la série de peintures exécutées pour le roi d'Espagne Philippe IV ou les travaux que lui demande l'archiduc Léopold-Guillaume en 1649. Non moins flatteurs pour lui étaient sa fréquente collaboration avec Rubens (ouvertement reconnue par Rubens lui-même dans une fameuse lettre à Dudley Carlton en 1618 pour tel tableau de Prométhée, peint en 1612, où l'aigle est dû à Snyders ; musée de Philadelphie) et le fait qu'il fut l'un de ses exécuteurs testamentaires après 1640.
L'œuvre peint est abondant — plus de huit cents tableaux sont connus sous le nom de Snyders —, très bien représenté dans les musées, mais les repères chronologiques restent assez rares : du moins a-t-on déjà pour 1603 un tableau signé et daté, qui montre des débuts timides et traditionnels dans le goût encore archaïque et sage des natures mortes descriptives et énumératives d'Osias Beert, Jacob van Es ou Floris van Dyck : disposition claire et sagement répartie de fruits, de légumes et de gibier, avec le souvenir des étalages de victuailles chers à Aertsen et Bueckelaer (le tableau de marché). La spécialisation de Snyders est affirmée dès le début et, de fait, les figures de ses tableaux resteront toujours maladroites quand elles ne sont pas d'une autre main (Rubens, Van Dyck, Boeckhorst, Soutman, Abraham Janssens) : pour Snyders, il y aura toujours un problème d'insertion et d'intégration des éléments vivants dans ses tableaux, comme une difficulté à savoir composer et à lier entre eux les divers motifs d'un tableau, qu'il cherchera à résoudre par le recours à des schémas géométriques très évidents et très impératifs (fortes horizontales données par des tables et des poutres de suspension, généralement d'un rouge très sonore, où sont accrochées diverses victuailles). À partir de 1608-1610, le retour d'Italie de Snyders suivant ici de peu celui de Rubens, la grande emphase décorative de ce dernier, sa science d'une organisation à la fois dynamique, monumentale et clarifiante, la définition typiquement rubénienne d'une esthétique baroque « triomphaliste » marquent visiblement Snyders et lui confèrent une assurance et une ampleur décoratives inusitées jusqu'alors. Dès 1614, Snyders est en pleine possession de ses moyens, comme le prouve le grand Cygne mort, ainsi daté, du musée de Cologne, où la tache blanche et courbe du cygne joue un puissant rôle dissonant contre les autres masses du gibier compactement assemblées et soumises à un ferme encadrement géométrique. Sous l'influence[...]
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Écrit par
- Jacques FOUCART : conservateur des Musées nationaux, service d'études et de documentation, département des Peintures, musée du Louvre
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