DRTIKOL FRANTIŠEK (1883-1961)
Le photographe František Drtikol est né en 1883 à P̈yríbram. Fils d'un épicier de cette petite ville de Bohême, Drtikol, qui voulait être peintre, suivit la voie plus raisonnable que lui indiquait son père et devint apprenti du photographe local pendant trois ans. Alors qu'il rongeait ainsi son frein, il prit conscience, grâce à une revue, de ce que la photographie pouvait être aussi un mode d'expression artistique. Il décida donc d'aller suivre, à Munich, les cours d'une école de photographie qui accordait dans son enseignement une place importante à la pratique et à l'histoire des arts plastiques. Il découvrit ainsi le symbolisme finissant, qui eut sur lui une influence déterminante, sans changer toutefois d'orientation. Brillamment diplômé, il travailla dans différents ateliers de province, fit son service militaire puis ouvrit son propre atelier dans sa ville natale. Ce fut la faillite et, en 1910, il s'installa à Prague, en association avec Augustin Škarda. Drtikol s'imposa très vite comme un maître du portrait et commença à exposer et à publier quelques travaux personnels. Fidèle à sa première vocation, il s'affirmait comme un photographe hanté par la peinture, attaché au studio, plus soucieux de mise en scène que de naturel et accordant une place prépondérante aux figures féminines.
Durant le quart de siècle que dura sa carrière de photographe, le nu fut son thème de prédilection, et il le traita sous trois formes qui correspondent à trois courants de l'art : le symbolisme, l'expressionnisme et le modernisme. D'abord inspiré par des peintres comme Edvard Munch ou Fernand Khnopff, il pratiqua une photographie de type « pictorialiste », où le grain de la gomme bichromatée servait parfaitement sa sensibilité mélancolique. Il allait jusqu'à reprendre ses négatifs à la peinture, ajoutant ainsi un fond de décor à une figure nue. Chez cet homme jeune, porté aux amours platoniques et malheureuses, la fascination pour le corps féminin n'allait pas sans ambivalence, dans la droite ligne d'un romantisme baudelairien habité d'anges sataniques. Dans son mysticisme exacerbé, il n'hésitait pas à se représenter sous le trait du Christ en croix.
Dans les années 1920, cet homme qui affirmait que le soleil était son dieu explora les qualités expressives du clair-obscur et des jeux de l'ombre donnant aux corps des postures sculpturales qu'il inscrivait volontiers dans des décors géométriques construits spécialement dans ce but. Il épousa alors Ervína Kupferová, une danseuse splendide, très engagée dans la danse moderne qui était alors en rupture avec les ballets à tutus, et en fit son modèle. Auprès d'elle, Drtikol renouvela son inspiration, sa vision de la femme et son style en évoluant vers un formalisme rigoureux, d'esprit constructiviste. Mais, dans ce nouveau cadre très structuré, aux contrastes insistants, il cultiva une certaine dramatisation. Le thème de Salomé, qui l'avait toujours fasciné, continuait à l'inspirer et lui, qui aimait une danseuse, éprouvait des affinités pour le saint dont Salomé avait fait couper la tête. Jusqu'à composer, à l'encontre de tous les principes du modernisme, d'étranges tableaux photographiques où sont associés le nu féminin et la tête de Jean-Baptiste. Puis le couple se sépara, malgré la naissance d'une fille en 1821, et Drtikol revint à une solitude qui lui était plus naturelle. Il était en pleine gloire, ses photographies étaient exposées dans le monde entier et il fut choisi, en 1929, pour faire la photographie de Tomáš Masaryk, le premier président de la République tchécoslovaque. À la fin des années 1920, il atteignit l'apogée de son art, dans une synthèse parfaitement réussie de l'expressionnisme et du constructivisme, marquée par sa prédilection pour le nu. Ses clichés d'une splendide gravité témoignent de l'approfondissement de son mysticisme.[...]
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Écrit par
- Gilles PLAZY : critique d'art
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