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BOAS FRANZ (1858-1942)

« Lorsqu' il fit son entrée en anthropologie, celle-ci était un agrégat de conjectures hasardeuses, un joyeux terrain de chasse pour l'amateur romanesque des choses primitives ; quand il en sortit, c'était une discipline » (Ruth Benedict). Une discipline, certes : Boas lègue aux anthropologues une méthode et des instruments d'analyse longuement éprouvés par lui lors de ses expéditions en Baffinland et en Colombie britannique. Mais plus qu'une discipline, si l'on considère le retentissement de l'œuvre de Boas sur la linguistique – qu'il libère de la philosophie – et la pertinence de ses réflexions sur les rapports de la race et de la culture. Plus qu'une discipline, surtout si l'on tient compte de ce qui fonde la critique boasienne de l'évolutionnisme : la recherche d'une catégorie de la totalité, que Boas échoue cependant à définir en tant que telle. Le concept boasien de culture ne s'identifie pas à la catégorie de la totalité dont ses nombreux travaux (The Social Organization and Secret Societies of the Kwakiutl Indiana ; Tsimshian Mythology ; Primitive Art ; The Mind of Primitive Man) et ses essais (Anthropology and Modern Life notamment) suggèrent la nécessité.

La critique de l'évolutionnisme

« La complexité des événements historiques est telle qu'il faut considérer la vie sociale d'un peuple ou d'une tribu comme la conséquence des conditions uniques dans lesquelles elle s'est manifestée. » Né en 1858 en Westphalie, mort aux États-Unis (il a trouvé à Clark University puis à Columbia ce que lui avait refusé l'Allemagne de Bismarck), Boas poursuit ainsi la critique engagée depuis 1895, celle de l'évolutionnisme social et culturel. Certes, il ne remet pas en cause les principes du progrès ni même directement le principe de l'évolution comme développement historique, mais le schéma général, trop simpliste à ses yeux, de l'évolutionnisme culturel et principalement celui de Morgan : « Alors que le schéma général de l'évolution n'est plus défendable, le problème du progrès demeure. L'observation prouve que les découvertes et le savoir de l'homme se sont répandus avec une rapidité toujours croissante, et l'on peut parler de progrès dans la technique, dans l'exploitation des ressources naturelles et le savoir, car chaque nouveau progrès vient s'ajouter au savoir existant », écrit-il dans les années trente. Ce qu'il met directement en cause, c'est le postulat sur lequel se fondent les tenants de l'évolutionnisme culturel pour qui l'histoire de l'humanité se présente comme un processus linéaire ; il met également en cause la méthode comparative qui en dérive : les peuples non civilisés, contemporains des évolutionnistes, témoigneraient de l'homme primitif, et donc, comme le souligne M. J. Herskovits, de l'homme primordial.

Au postulat du caractère linéaire du processus d'évolution, Boas oppose le phénomène de diffusion ; il n'y a pas de sociétés « intactes » et il apparaît de plus en plus que l'évolution de celles que l'on prétend telles est faite d'emprunts à d'autres sociétés – en dépit de quoi les évolutionnistes, qui n'ignoraient pas le phénomène, ont élaboré leur thèse. À la reconstitution de l'évolution, Boas oppose une reconstitution historique.

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-II-Lumière, président de l'université

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