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GRILLPARZER FRANZ (1791-1872)

Le recours au drame historique

Il serait trop simple d'imaginer que le recours au drame historique s'explique uniquement par le besoin de se rattacher à une collectivité. Certes, les considérations esthétiques et personnelles ne sont pas négligeables, mais l'utilisation de l'histoire résulte d'une réflexion originale que l'on a voulu faussement interpréter dans le sens hégélien. S'il est une nécessité, l'État n'en est pas moins pour Grillparzer un mal. Quant à l'histoire, elle n'est pour lui que l'œuvre des hommes : « Les événements peuvent bien être l'œuvre d'un esprit du monde (Weltgeist), mais l'histoire ! L'histoire est-elle donc autre chose que la manière dont l'esprit de l'homme envisage des événements qui lui restent incompréhensibles ? » (Rollet-Sauer). Si donc Grillparzer choisit l'histoire comme toile de fond de certaines de ses œuvres, ce n'est pas pour des raisons de mode, mais seulement, en plus des motifs déjà indiqués, pour donner aux faits et aux hommes une assise plus solide dans le réel.

Il nourrit une méfiance égale à l'égard de la politique, mais il écrit : « Je ne suis pas un politique, mais la politique des siècles passés, ce que l'on nomme histoire, la nature de l'esprit humain qui reste toujours égal à lui-même malgré les différences apparentes furent le but de ma vie qui compte maintenant cinquante-sept années. »

Malgré cette conviction de la permanence d'une « nature humaine », il s'oppose nettement au désir romantique de faire revivre totalement l'histoire. Bien sûr, il entreprend, avant d'écrire Ottokar, « des lectures immenses » et s'efforce de rester aussi près que possible de la vérité historique, mais c'est surtout par sentiment patriotique et parce qu'il veut vérifier de plus près l'apparente analogie des destins d'Ottokar, roi de Bohême, et de Napoléon, empereur des Français.

De ses œuvres historiques, souvent fragmentaires, ne survivent plus aujourd'hui que trois tragédies : König Ottokars Glück und Ende, 1823 (Le Roi Ottokar, son bonheur et sa fin), Ein treuer Diener seines Herrn, 1828 (Un fidèle serviteur de son maître), Ein Bruderzwist in Habsburg, 1848 (Une querelle de frères dans la maison de Habsbourg). La première de ces tragédies fut la seule représentée. L'impulsion initiale vint sans doute, comme on vient de le dire, des ressemblances découvertes entre Napoléon et Ottokar : même volonté de devenir maître du monde, mêmes succès militaires initiaux, même divorce pour épouser une princesse dans l'intérêt de l'empire, même catastrophe finale. Les motifs réels et profonds sont cependant différents. Grillparzer écrit lui-même : « Du moment que [...] de la ruine d'Ottokar sortit l'établissement de la dynastie des Habsbourg en Autriche, c'était là, pour un poète autrichien, une aubaine incomparable ; c'était le couronnement de tout. » Par cette œuvre le poète réalisait son intégration magique à la communauté nationale et dramatisait une situation qu'il avait déjà exploitée : une défaite militaire de Rodolphe, incarnation de l'Autriche naissante, n'aurait pas changé le cours de l'histoire et l'ascension des Habsbourg. Ottokar, si grand qu'il soit, reste isolé et ne peut empêcher l'établissement de l'Empire. « Même si je succombais, un autre Romain achèverait ce que le premier a commencé. Si Hannibal succombe, Carthage meurt. Si Scipion tombe, Rome triomphe malgré tout ! » disait Scipion dans la tragédie inachevée Hannibal.

Moins importante est la tragédie Ein treuer Diener seines Herrn. Elle est avant tout l'expression d'un dévouement sans borne à la couronne et l'expression d'une mentalité ultra-monarchique et antirévolutionnaire.[...]

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  • BIEDERMEIER, littérature

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    • 526 mots

    Époque, mode de vie, mais aussi style littéraire et artistique, le Biedermeier coïncide avec la période de 1815-1848, celle du Vormärz et de la Restauration, celle de Junge Deutschland et de la Sainte-Alliance, celle de la paix après les guerres sanglantes et celle du régime répressif de Metternich...