HELLENS FRANZ (1881-1972)
Franz Hellens est d'origine flamande et a vécu près de Paris. Il n'a jamais été d'aucun parti. Il n'est d'aucune Église, mais n'oublie à aucun moment ce qu'il doit aux jésuites du Gand de son enfance, ceux-là qui « firent » Verhaeren, Maeterlinck, Van Lerberghe, Rodenbach et Grégoire Le Roy. Il est de leur époque et de la nôtre. Il peut parler de Thérèse d'Avila et d'Essenine avec la même passion. Il est fantastiquement réel, à l'image de son œuvre. Navire surgi des vieux canaux gantois, mais ayant pris depuis longtemps la haute mer, il connaît tous les ports du monde, mais il lui arrive aussi de naviguer, tous feux éteints, vers cette rive impossible qui appelle en nous dès qu'un dieu secret se met à la barre. Il ne faut pas le fréquenter longtemps ni le lire beaucoup pour comprendre combien est vaste en lui ce domaine intérieur. Une soirée passée à écouter la Messe en si, une nuit à relire saint Jean de la Croix ou simplement la contemplation par la fenêtre ouverte d'un arbre du jardin, et le poète peut écrire : « Quelle doit être l'aurore des trembles du Paradis, si ceux de la terre, ce matin, tremblent si divinement ? »
Hellens a beaucoup écrit, en un temps où toute écriture est suspecte. C'est qu'il avait beaucoup à dire. Parti du symbolisme, il s'est vite découvert une voix personnelle. À lui mieux qu'à tout autre s'appliquent ces mots de Keats : « Je ne suis sûr de rien, sinon de la sainteté des affections du Cœur et de la vérité de l'Imagination. »
Le sang : ouvert au siècle et secret
Fils d'un médecin louvaniste, Frédéric Van Ermenghem naquit le 8 septembre 1881. Sa mère étant malade, la famille avait quitté Louvain pour Wetteren. C'est à l'âge de seize ans, en longeant le canal qui séparait la maison du collège, que Frédéric découvrit sur une façade le nom de « Franz Hellens » alors porté par un marchand de vins. Le nom lui plut. Il l'a gardé.
Franz Hellens doit beaucoup à son enfance heureuse, aux pierres et aux canaux des environs de Gand. Trois ans externe au collège Sainte-Barbe, trois ans interne à Turnhout, il se soumet à la discipline des Pères : se commander pour commander. « Je n'en ai retenu que le premier terme », dira-t-il. Il avait commencé par l'histoire et la philosophie. Ayant eu Henri Pirenne pour professeur, il voulut devenir historien. Néanmoins, il poursuivit le droit pour entrer à la Bibliothèque royale. La poésie et bientôt, dès 1920, Mélusine lui firent comprendre sa vocation. Il n'hésita plus à y répondre.
Mais l'homme, à aucun moment, ne cesse d'être attentif aux mouvements du monde. Ses amitiés traduisent le mieux ses inquiétudes et ses aventures : à Nice, en 1918, il rencontre Modigliani et Maeterlinck ; à Sorrente, en 1928, il se lie d'amitié avec Maxime Gorki, alors en exil ; il a connu Maïakovski et Essenine, qu'il fut le premier à traduire, puis Henri Calet, Supervielle, Paulhan, Arland, Ponge, Eluard, parmi tant d'autres. Pour se tenir au plus près des autres et de son temps, il crée une revue, Le Disque vert, qui, de 1920 à 1925, puis en 1936, et de 1953 à 1957, accueillera les premiers textes d'écrivains devenus ensuite célèbres. Henri Michaux, à peine sorti de Namur, y donna sa première musique de chambre. André Malraux y publia l'un de ses tout premiers textes. Il y a du découvreur et de l'aventurier dans Franz Hellens. Il demeure à tout moment à l'écoute du monde et s'il refuse de « s'engager », selon le langage de l'époque, il nous dit lui-même pourquoi : « J'ai vieilli avec le siècle, mais à côté. J'ai refusé de mêler mon sang à son sang corrompu. »
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Écrit par
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Classification
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