- 1. Le rôle de Max Brod
- 2. Une œuvre en mouvement
- 3. Tensions et contradictions
- 4. Prague, multilingue, multiculturelle et divisée
- 5. La question de l’identité
- 6. La nécessité d’écrire et l’invention d’un système
- 7. L’art et la vie
- 8. L’accomplissement progressif du récit dans l’écriture
- 9. L’œuvre de Kafka : réaliste, prophétique, fantastique ?
- 10. Bibliographie
KAFKA FRANZ (1883-1924)
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Franz Kafka, écrivain de langue allemande né en 1883 sujet de l’empereur d’Autriche et mort en 1924 citoyen de la république de Tchécoslovaquie, est l’un des auteurs majeurs de la littérature mondiale moderne et contemporaine. Il est connu en France depuis 1928 par son récit La Métamorphose(1912). Sa popularité repose principalement sur ses romans Le Procès(1914) et Le Château(1922), dont l’atmosphère, ressentie comme absurde et oppressante, semble toujours correspondre au vécu d’un lecteur d’aujourd’hui. La publication du Journal et d’une abondante Correspondance, où se mêlent intimement vie et littérature, a contribué à donner à son œuvre une universalité paradoxale au regard de sa complexité et de son enracinement dans un monde révolu.
Comment lire Kafka de nos jours ? Kafka est un nom de marque, à l’instar de bien d’autres produits de la culture, rapportait l’écrivain Alessandro Baricco en 2002. Le diagnostic n’est pas nouveau : en 1947 déjà, Alexandre Vialatte, le premier traducteur de Kafka, avait repéré que Le Procès, à la faveur d’une adaptation théâtrale, devenait un titre commercial. Force est de constater que, si les écrits de Kafka, œuvres de fiction, journaux intimes et correspondance confondus, font de lui l’auteur de langue allemande sinon le plus lu, du moins le plus commenté de notre époque, la postérité a surtout retenu la part mythifiée de son œuvre que traduit désormais l’adjectif « kafkaïen ». Le mot qualifie dans l’expérience commune les situations sans issue du quotidien contemporain, où l’individu est pris au piège d’une administration bureaucratique arbitraire et omniprésente.
Deux circonstances majeures, liées à la constitution même de l’œuvre de Kafka, éclairent cette situation historique. D'une part, elle est faite pour l'essentiel – pour sept huitièmes – d'écrits que l'auteur avait demandé par deux fois qu'on détruisît. D'autre part, la publication de ces écrits de fiction non préparés pour l'édition – même s'ils présentent un état suffisamment proche de l'achèvement qui permet de les lire –, et d'une quantité au moins équivalente d'écrits d'ordre privé qui, placés au même rang, accèdent ainsi au statut d'œuvre, change nécessairement la perspective qui était celle, à l'origine de l'acte de la création littéraire. Une autre cause enfin de ce déracinement de Kafka qui a longtemps semblé venir de nulle part, selon la formule de la critique littéraire Marthe Robert, prend souvent sa source dans la teneur ressentie comme générale de ses romans, récits et nouvelles, dont presque invariablement un personnage unique est le héros qui, même à la troisième personne, semble toujours imposer sa perspective personnelle au récit et pousser le lecteur à s'identifier à lui.
Le rôle de Max Brod
Lorsque Kafka meurt à quarante ans dans un sanatorium des environs de Vienne, emporté par la tuberculose, il n’a publié que sept petits livres qui rassemblent des récits en prose presque tous parus antérieurement dans des journaux et des revues. On y trouve quelques-uns de ses titres les plus célèbres, Le Verdict, La Métamorphose, Devant la loi, mais aucun de ses trois romans.
Les lecteurs de Kafka doivent la connaissance exhaustive de son œuvre à la désobéissance de Max Brod (1884-1968), son ami depuis 1902, qui à trois reprises a sauvé son œuvre inachevée de la destruction. Ne respectant pas le testament qui lui enjoignait de détruire tous les manuscrits non publiés, ainsi que les lettres et les journaux intimes, Brod édita Le Procès à Berlin en 1925, Le Château à Munich en 1926, et L'Amérique (dont le titre projeté par Kafka était Le Disparu) en 1927, puis en 1931 un premier volume de récits encore inconnus du public sous le titre En construisant la Muraille de Chine. Dès[...]
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Écrit par
- Claudine RABOIN : maître de conférences honoraire, université Paris Nanterre
Classification
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